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Full text of "Les douze vertus d'un bon maitre proposées par le Vén. J.B. de La Salle, expliquées par..."

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BIBLIOTHECA S. J. 

Maison Saint-Augustin 
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LES 



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DOUZE VERTUS 

D'UN BON HAITfiE, 

PROPOSÉES 

PAR LE ¥ÉN. J.-B. DE LA SALLE, 

Instituteur des Frères des Ecoles clirétieuues ; 

* 

EXPLIQUÉES 

PAR LE FRÈRE ÀGATHON, 

SUPÉRIEUR GÉNÉRAL. 

Vcner., mes enfants, écoutes-moi; je tous 
enseignerai la crainte du Seigneur. 

(Ps. xkxiii, 12.) 




* 

vn» c i 11 1 ire "* Fontêlnes 
YLUbAILLES, 60 , CWXRtfM Y 

IMPRIMERIE UE BEAU JEUNE, 

; 36, RUE DE L'ORANGERIE. 

1856 



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AVERTISSEMENT. 



MES TRES-CHERS FRÈRES, 

U ne suffirait pas de connaître les 
obligations que nous imposent nos 
vœux, si nous ignorions les moyens 
qui nous sont nécessaires pour répon* 
dre, comme il faut, à la fin de l'In* 
stitut, qui est l'instruction des enfants. 
C'est pour cette raison que notre in- 
tention, présentement, est de traiter 
matière des vertus qui conviennent à 
un bon Maître. 

Vous ne pouvez, M. T.-C. F,, q Ue 
recevoir avec empressement un ouvr** 
ge qui est, pour vous, d'une si grande 
importance. Le plan en a été donné 



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4 AVERTISSEMENT. 

par le Vén. de La Salle, notre digne 
Fondateur; nous l'avons composé 
d'après ses principes et ses maximes ; 
ce que nous avons tiré d'ailleurs a été 
puisé dans les auteurs les plus estimés. 

Les vertus, ou, ce qui est ici la même 
chose, les qualités, les talents d'un 
bon Maître sont : la Gravité, le Silence, 
l'Humilité, la Prudence, la Sagesse, la 
Patience, la Retenue, la Douceur, le 
Zèle, la Vigilance, la Piété et la Gé- 
nérosité. 

Notre dessein n'est pas de parler de 
ces vertus d'une manière générale ; 
nous nous contentons , et nous devons 
nous contenter, d'en faire uniquement 
l'application à la fin que nous nous 
proposons, et c'est sous ce rapport 
que nous les considérerons dans la 
suite. 



AVERTISSEMENT- 5 

Voici Tordre que nous suivrons. 
Nous développerons le vrai caractère 
de chaque vertu, les traits particuliers 
qui lui conviennent, et ceux qui lui 
sont contraires; ainsi ce sont des ta- 
bleaux, et autant de tableaux à tracer 
qu'il y a de vertus. En les voyant, un 
Maître attentif et intelligent apercevra 
sans peine .«e qu'il doit faire et ce qu'il 
doit éviter pour rendre utile l'ensei- 
gnement dont il est chargé. 

Mais, avant de commencer, nous 
ferons observer qu'il serait peut-être 
facile de donner à ce grand nombre 
de vertus une liaison et un certain en- 
chainement entre elles. Ainsi, on pour- 
rait mettre la Sagesse dans le premier 
rang, parce qu'elle présente le grand 
objet, l'objet entier qu'un Maître doit 
se proposer ; la Prudence dans le se- 



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6 AVERTISSEMENT. 

- 

cond, parce qu'elle lui fait connaître 
la manière de le bien remplir. Ensuite 
viendraient les autres vertus, chacune 
à sa place, et l'ouvrage serait terminé 
par la Douceur. Elle est en effet le 
complément des vertus d'un bon 
Maître, par l'excellence du prix que 
lui donne la Charité, qui est la reine 
et la maîtresse de toutes^s vertus; 
mais une pareille chaîne nous a paru 
être une chose de pure curiosité, sans 
aucune utilité réelle, et nous avons cru 
devoir suivre l'ordre que le Vén. de 
La Salle a lui-même jugé à propos 
d'indiquer. 



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LES 

- 

DOUZE VERTUS 

D'UN BON MAITRE 

- - - 

DES ÉCOLES CHRÉTIENNES. 

I 

I. LA GRAVITÉ. 

La gravite est une vertu qui règle 
tout l'extérieur d'un Maître confor- 
mément à la modestie, à la bien- 
séance et au bon ordre. 

Un Maître qui a cette vertu tient 
donc le corps dans une assiette natu- 
relle, sans gêne ni affectation ; il ne 
branle pas la tête, ne la tourne pas 
légèrement de côté et d'autre, ni à 
chaque mot qu'il dit ; il a le regard 
assuré et serein, sans artifice ni sé- 
vérité ; il ne rit point en parlant, et 



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8 



LA GRAVITÉ. 



ne fait pas de contorsions messéa ri- 
tes ; il a l'air affable ; il parle peu et 
d'un ton modéré; il n'est dans ce 
qu'il dit ni aigre, ni piquant, ni hau- 
tain, ni agreste, ni malhonnête en- 
vers qui que ce soit. 

Persuadé que la gravité, la mo- 
destie, la réserve, n'excluent pas la 
bonté ni une tendre affection, il 
cherche par ses aimables qualités à 
se concilier l'amitié des écoliers, 
parce qu'il sait qu'alors ils auront 
plus d'empressement pour accourir 
à ses leçons, plus de docilité à les 
recevoir et plus de fidélité à les met- 
tre en pratique ; mais il ne se rend 
pas trop libre avec eux : il n'a d'in- 
timité ni de familiarité avec aucun. 

Loin de se proposer uniquement 
de s'en faire craindre, son but prin- 
cipal est de s'attirer leur confiance 
po ur mieux con n aître les vertus qu'ils 
peuvent avoir, afin de les cultiver 
et de les perfectionner; pour aper- 



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LA GRAVITÉ. 



9 



cevoir plus facilement leurs vices et 
leurs défauts, afin de les corriger, 
sinon tous et tout à fait, au moins au- 
tant que la chose est possible. Pour 
cet effet, il écarte soigneusement de 
sa conduite tout ce qui ressentirait 
la dureté, la fierté, la rodomontade; 
en un mot, tout ce qui le ferait pa- 
raître austère, de mauvaise humeur, 
indifférent, difficile à contenter. Il 
évite également un ton trop impo- 
sant, trop rigoureux, qui empêche 
les écoliers de se montrer tels qu'ils 
sont, qui les porte à se dérober à 
l'œil du Maître, à cacher le mal au- 
quel il pourrait remédier s'il le 
connaissait, et leur ôte la liberté de 
laisser éclore le germe des bonnes 
qualités qui se trouvent en eux. 

Il veut encore s en faire estimer 
et respecter ; car les écoliers n'écou- 
teraient pas ce que leur enseignerait 
un Maître qu'ils n'estimeraient pas ; 
il n'oublie donc jamais l'obligation 



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10 LA GRAYITÊ. 

qu'il a d'être pour eux un exemple 
continuel de toutes les vertus : il an<- 
nonce, dans tout son extérieur, une 
retenue et une décence qui sont le 
fruit de la maturité de son esprit, de 
sa piété, de sa sagesse ; mais surtout 

11 a soin de conserver la tranquillité 
par l'égalité d'âme (l) et d'humeur. 
Il s'interdit aussi les postures négli- 
gées, immodestes, trop d'enjoue- 
ment, toute légèreté, toute bouf- 
fonnerie, tout ce qui tient à la fri- 
volité. Cependant comme la gravité 
portée trop loin le rendrait ridicule 
et insupportable, il la renferme dans 
les justes bornes qui lui appartien- 
nent. C'est ainsi que cette vertu, bien 
entendue, et fondée sur une vérita- 
ble élévation de sentiments, établit 

(1) Cette égalité consiste dans le maintien 
paisible et uniforme d'une âme qui n'est pas 
troublée par les événements, quels qu'ils soient. 
On l'acquiert çn se formant une idée juste des 
choses, en modérant ses désirs et ses craintes, 
en se préparant à tout ce qui peut arriver. 



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LA GRAVITE, 



le bon ordre dans une classe; c'est 
ainsi qu'elle préserve le Maître de 
se manquer à soi-même, qu'elle 
contient ses écoliers dans le devoir, 
et qu'elle leur inspire envers luil'at- 
tapnement, la confiance, l'estime et 
le respect. 

Outre les défauts contraires à la 
gravité, dont nous avons parlé, en 
voici encore d'autres qu'un Maître 
doit singulièrement éviter : les em- 
portements, les violences, les re- 
gards fiers et menaçants, l'impa- 
tience, la rusticité, les puérilités, les 
tons irppérieux, les paroles inju- 
rieuses pu dictées par upe douceur 
simulée et ironique* 

Il ne lui suffirait pas de se préser- 
ver de ces défauts, s'il n'évitait en- 
core les grimaces, les plaisanteries, 
les pénitences qui troubleraient l'or- 
dre, qui feraient rire, qui seraient 
indécentes; des façons de faire et de 
parler qui ne conviendraient pas 



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12 LÀ GRAVITÉ. 

dans une classe, des manièrçs mé- 
prisantes, un visage sombre, refro- 
;né, certains bruits ou accents de 
>ouche; les affectations ridicules, 
comme de grosse voix, de hauteur, 
d'air trop magistral, trop absolu, 
pédantesque, un dehors trop mysté- 
rieux, guindé, suffisant, fâcheux, 
renchéri ; les mouvements de corps 

Î)récipités, les haussements d'épau- 
es, les gesticulations trop grandes, 
les coups frappés sur le marche- 
pied, sur le siège ou sur les tables, 
pour étonner les écoliers et leur 
faire peur. 

Annoncez ces choses , et ensei- 
gnez-les. Que personne ne vous mé- 
prise à cause de votre jeunesse (c'est- 
à-dire, ne vous regarde comme son 
inférieur en vertu, et, pour cela, ne 
fasse peu de cas de vous) 1 ; mais ren- 
dez-vous V exemple et le modèle des 
Fidèles dans les entretiens, dans la 
manière d'agir avec le prochain, 



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LE SILENCE. 43 

dans la charité, dans la Joi. I Tim . 
îv, ii et la. 

Prêchez ces vérités, exhortez et 
reprenez avec une pleine autorité ; 
que personne ne vous méprise. Tït. 
h, i5. 



II. LE SILENCE. 

Sous lé nom de silence, nous en- 
tendons ici généralement une sage 
discrétion dans l'usage de la parole ; 
discrétion qui fait qu'un Maître se 
tait quand il ne doit pas parler, et 
qu'il parle quand il ne doit pas se 
taire. 

Cette vertu renferme donc deux 
fonctions : elle apprend à un Maître 
l'art de se taire, elle lui apprend celui 
de parler; ainsi elle lui fait éviter 
deux défauts opposés qu'elle con- 
damne, savoir: la taciturnité et la 
loquacité. 

La première fonction du silence 



14 LÉ SILENCE. 

{jroduit l'ordre et la tranquillité dans 
a classe, assure les progrés et l'a- 
vancement des écoliers, procure le 
repos du Maître et la conservation 
de sa santé : trois choses auxquelles 
un Maître ne peut pas manquer 
sans s'exposer à de grands inconvé- 
nients. 

En effet, s'il parle beaucoup, les 
écoliers parlent de même. Ils font 
indiscrètement des questions et des 
réponses ; ils s'immiscent dans ce qui 
rte les regarde point ; ils se justifient 
et veulent justifier les autres : ce n'est 
plus qu'un bourdonnement général 
dans la classe. 

D'ailleurs, il est d'expérience que 
les Maîtres qui parlent beaucoup 
sont peu écoutés, et qu'on fait peu 
de cas de ce qu'ils disent ; mais que 
s'ils parlent peu , bien et à propos > 
les écoliers font attention a ce qui 
leur est dit, qu'ils le goûtenti le rea 
tiennent et en profitent. 



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LE SILEKCK. 



Il est encore d'expérience que les 
Maîtres qui aiment à parler beau- 
coup sont dans une agitation perpé- 
tuelle, et qu'ils fatiguent à l'excès leur 
poitrine. L'enseignement est très- 
pénible de sa nature; pour s'en ac- 
quitter comme il faut, un bon Maître, 
sans doute, se sacrifie bien volon- 
tiers, mais c'est toujours avec sa- 
gesse : il évite donc toute impru- 
dence, et principalement toute ma- 
nière d'instruire, qui, sans être utile, 
porte un plus grand préjudice à sa 
santé. 

Les signes dont nous nous ser- 
vons nous procurent l'avantage sin- 
gulier de garder le silence lorsque 
nous faisons la classe. Leur usage a 
été établi pour avertir et reprendre 
les écoliers, pour leur faire connaître 
tout ce qu'ils ont à faire, eh sorte que 
le Maître ne doit parler que lors- 
qu'il ne peut faire comprendre par 
signes ce qu'il exige d'eux. Ainsi le* 



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16 



LE S1LUNCK. 



signes, en avertissant un Maître de 
se taire, l'avertissent en même temps 
de parler lorsqu'ils ne suffisent point; 
et c'est ici qu'un Maître commence 
à remplir la seconde fonction du si- 
lence. 

Mais il n'a à la remplir que dans 
trois occasions seulement : dans la 
lecture , pour faire connaître les 
fautes qu aucun écolier ne peut re- 
prendre, et pour donner 1 explica- 
tion, les avertissements , les ordres, 
les défenses nécessaires ; dans le ca- 
téchisme, pour expliquer ët pour 
aider les écoliers à bien répondre ; et 
dans les prières du matin et du soir, 

Sour exhorter et faire quelques ré- 
exions; mais alors il ne doit dire 
précisément que ce qui est néces- 
saire. S'ii parlait plus, il pécherait 
contre la première fonction de la 
vertu du silence. 

Au reste , l'objet principal du 
Maître étant de former les enfants 



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LE SILÇNCB. 17 

aux vertus chrétiennes , il doit en 
général éclairer leur esprit, et émou- 
voir leur cœur sur les vérités qu'il 
a à leur enseigner. Pour instruire, il 
doit se préparer comme nous l'avons 
déjà dit dans notre première lettre 
instructive (1), et comme nous le di- 
rons plus amplement dans la vertu 
de prudence. Pour rendre ses dis-? 
cours touchants, il doit travailler à se 
pénétrer des sentiments qu'il veut; 
inspirer à ses disciples. «Si vous vou- 
lez persuader, dit S. Bernard (2), 
c'est par les sentiments affectueux, 
bien plus que par les déclamations, 
que vous pouvez y tendre avec suc* 
ces.» Aussi, une infinité d'exemples 
prouvent que tandis qu'uq Maître 
habile et éloquent s'épuise en vain, 
par un travail d'autant plus pénible 
que le véritable zèle y a moins de 

(>) Page 27 et suiv. dans la note. 

(2) Sermon 59, N. 83, sur les Cantiques. 



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18 LE SILENCE. 

part, un autre très-inférieur en ta- 
lents, mais bien pénétré de ce qu'il 
annonce, opère les effets les plus sa- 
lutaires. 

D'après toutes ces réflexions, un 
bon Maître regardera en général 
comme des fautes qui sont contraires 
au silence, et qu'il doit éviter, pre- 
mièrement de parler sans nécessité, 
ou de se taire quand il faut parler; 
secondement de dire mal ce qu'il doit 
dire , pour n'en avoir pas prévu le 
sujet, la nécessité, le temps conve- 
nable, les circonstances, ni le bien 
ou le mal qui pourrait en résulter ; 
ou bien en s'exprimant sans force, 
sans précision, sans justesse, hésitant 
pour chercher bien loin des termes, 
sans savoir ce qu'il dit, étant diffus 
et sans méthode; troisièmement de 
rester trop longtemps à parler avec 
quelques écoliers, avec leurs parents, 
avec d'autres externes, ou avec ses 
compagnons d'école, lors même qu'il 



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LE SILENCE. 



19 



leur parle dans le besoin ; quatriè- 
mement de s'occuper des nouvelles 
publiques, d'entendre celles que les 
écoliers veulent lui apprendre ; cin- 
quièmement, enfin, de parler trop 
vite ou trop pesamment, ou avec 
confusion, ou trop haut , ou si bas 
que les écoliers ne puissent entendre 
ou ne puissent aisément comprendre 
* ce qu'il leur dit. 

- 

Les hommes rendront compte au 
jour du jugement de toute parole 
inutile qu'Us auront dite. S. Mat- 
thieu, xn, 36. 

Pour vous, instruisez d'une ma- 
nière qui soit digne de la saine doc- 
trine. Tit. ii, i. 

Lorsque vous parlez, dit S, Ber- 
nard, ne précipitez point vos pa- 
roles ; n'en dites que de vraies, et 
qu'elles aient du poids ; et ne parlez 
que de Dieu ou pour Dieu. 



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20 l'humilité. 



■ M , ■ , ■ , . , 

III. L'HUMILITÉ. 

• 

L'humilité est une vertu qui nous 
inspire de bas sentiments de nous^ 
mêmes, en nous rendant la justice 
qui nous est due; elle nous faii donc 
connaître ce que nous sommes, sui- 
vant ces paroles de l'Apôtre (i) : 
Qu avez-vous que vous n'ayez reçu? 
Quesivous F avez reçu, pourquoi vous 
en glorifiez-vous ? Air.si elle combat 
directement l'orgueil qui nous donne 
injustement une haute idée de notre 
excellence ; ce vice, en effet, n'est 
qu'une erreur, une vaine enflure qui 
nous élève, et nous fait paraître à 
notre propre jugement plus grands 
que nous ne sommes dans la vérité. 

Notre divin Sauveur nous apprend 

(1) l Cor, i Y> 7. 



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l'humilité. 21 

la nécessité de cette vertu, lorsqu'il 
nous dit (i) : Je vous dis en vérité 
que si vous ne devenez comme de 
petits enfants, vous ri entrerez pas 
dans le royaume des cieux. Menace 
effrayante, qui regarde singulière- 
rement ceux qui sont chargés d'in- 
struire les enfants. 

Mais quels sont les vrais caractè- 
res de l'humilité de notre état, con- 
sidéré sous le rapport de la fonction 
de l'enseignement? C'est ce que nous 
allons expliquer. 

i° L'humilité d'un bon Maître doit 
être chrétienne. Il sera donc fidèle à 
ce qu'il doit à Dieu et à ce qu'il doit 
au prochain, c'est-à-dire npn-seu* 
lement à ses supérieurs, mais encore 
à ses é^aux et à ses inférieurs : ainsi 
un Frère qui sera le premier entre 
plusieurs n'aura garde d'exiger, ni 
même de souffrir des autres, sous 

(1) S. Matth. xyiii, 3. 



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22 l'humilité. 

prétexte de sa prééminence sur eux, 
qu'ils lui rendent des services bas 
et abjects qu'il peut se rendre lui- 
même. S'il l'exigeait, ce serait de sa 
part une action très-contraire à l'hu- 
milité. Un bon Maître sera humble 
d'esprit, en connaissant bien sa 
propre bassesse; il sera humble de 
cœur, en aimant son abjection; il 
sera humble d'action, en agissant 
conséquemment en toute circon- 
stance. 

Sans doute il n'oubliera jamais 
l'excellence, la noblesse de la fin 
pour laquelle il a été créé ; mais en 
même temps il abaissera les yeux 
sur le malheureux état où il se 
trouve depuis le péché du premier 
homme; ténèbres dans l'entende- 
ment, qui, sans être entières, sont 
très-considérables ; faiblesse plus 
grande dans la volonté; impuis- 
sance réelle de faire aucun bien sur- 
naturel sans le secours de Dieu : tel 



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l'humilité. 23 

est le triste apanage de l'humanité, 
selon ce que la religion lui apprend. 
Il sait à la vérité que Dieu ne lui man- 
quera jamais au besoin, à moins qu'il 
ne l'abandonne le premier. Mais, lors 
même qu'il se croit fermé, ne doit- 
il pas toujours craindre de tom- 
ber (i) et, conséquemment, opérer 
son salut avec crainte et tremble- 
ment^)} Une peutse rassurer qu'en 
agissant conformément à ces belles 
paroles de l'apôtre S. Pierre (3) .Ef- 
forcez-vous donc de plus en plus, 
mes frères, d'affermir votre voca- 
tion et votre élection par les bonnes 
œuvres; car agissant de cette sorte 
vous ne pécherez jamais; et par ce 
moyen Dieu vous donnera une en- 
trée facile au royaume éternel de 
notre Seigneur et Sauveur J.-C. 
2° L'humilité est accompagnée de 

(1) I Cor., x, t2. — (2) Pliilipp. n, 12. — 
(3) II S. Pier. i,40 et M. 



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21 l'humilité. 

la modestie. Ainsi un Maître qui a 
véritablement celte vertu s'estime 
très -honoré de travailler au salut 
des âmes, à l'exemple de J.-C. et 
des Apôtres, dans une fonction dont 
se sont glorifiés* un ^rand nombre 
de saints qui ont éclairé l'Eglise par 
leurs lumières, autant qu'ils l'ont 
édifiée par leurs vertus. 

S'il a de la capacité, il n'en fait 
point ostentation ; il ne montre pas 
de suffisance, de fierté, de hauteur; 
il s'abstient des traits, des gestes, 
des airs, des façons étudiés qui ten- 
draient à lui donner du relief aux 
yeux des hommes, à faire admirer 
les qualités qu'il croirait avoir; il 
ne se complaît ni dans son esprit, 
ni daps les sciences qu'il pourrait 
avoir acquises : à plus forte raison 
il ne méprise ni ses Frères, ni ce 
qu'ils font. Il ne cherche pas à être 
loué dans ce qu'il fait, ni applaudi 
dans ses succès; il ne s'attribue 



l'humilité. 25 

point à lui-même la gloire qui n'est 
v due qu'à celui qui dispense les ta- 
lents comme il lui plaît ; il la rap- 
porte tout entière à Dieu seul (i). 
S'il ne fait pas toujours çarmi ses 
écoliers tous les fruits qu'il en es- 
père, si même il n'en fait aucun, il 
s'en impute la faute à lui-même, il 
cherche à la connaître pour la répa- 
rer; mais ensuite il reste en paix et 
soumis à la Providence, sachant 
que (2) celui qui plante riest rien, ni 
celui qui anvse ; mais que tout vient 
de Dieu, qui donne l'accroissement. 

3° L'humilité exclut tout motif de 
vaine gloire. Rien, en effet, n'est plus 
frivole que le désir de l'estime des 
hommes : c'est, dit Pierre de Blois, 
un vent brûlant qui dessèche les 
, ruisseaux de la grâce. Ce désir est 
I encore incompatible avec les maxi- 
| mes de l'Evangile : Jésus-Christ disait 

1 

(1) I Tim. t, 17. — (2) I Cor. m, 7. 



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26 l'humilité. 

à ses Disciples (i) : IV 'aimez pas à 
être appelés maîtres, ni à être sa- 
lués comme docteurs : il vous im- 
porte peu d'être connus des hom- 
mes; ce qui vous est nécessaire, 
c'est que vos noms soient écrits dans 
le ciel (2). 

4° L'humilité est sans ambition. 
Comme un Frère véritablement hum- 
ble ne se croit propre et utile qu'à 

fieu de chose, il ne cherche pas 
es postes et les emplois relevés , il 
ne désire pas tenir une classe plutôt 
qu'une autre ; mais il se persuade 
que celle où il a été appelé par l'o- 
béissance lui convient mieux qu'une 
autre, qu'elle lui fournira plus de 
moyens de glorifier Dieu, et lui at- 
tirera plus de grâces pour bien em- 
ployer ces moyens dans toute leur 
étendue. 

5° L'humilité est sans jalousie. 

(1) S. Matth. xxm/8 et 10.— (2) S. Luc, x, 20. 



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l'humilité. 



27 



Un Frère qui est humble, loin d'être 
peiné des succès des autres qui four- 
nissent la même carrière, aime au 
contraire à voir qu'ils l'égalent, 
qu'ils le surpassent, qu'ils réussis- 
sent mieux que lui dans l'enseigne- 
ment. Ainsi il ne se fera pas valoir 
comme ayant plus de mérite qu'un 
autre ; il ne se laissera pas non plus 
aller à la froideur envers ceux qui 
lui seront préférés, et de même il 
ne conservera pas d'aigreur contre 
ceux qui l'estimeront moins que ses 
autres Frères. 

6° L'humilité se défie de ses lu- 
mières. Si donc un Frère a vérita- 
blement cette vertu, comme il doit 
suivre les principes établis dans 
l'Institut pour enseigner les enfants, 
il n'abondera pas dans son sens; il 
se conformera à ses confrères; il 
gardera avec eux l'uniformité de 
conduite; il n'aura recours à aucune 
méthode particulière, à aucun usage 



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28 l'humilité. 

extraordinaire pour instruire à sa 
mode, considérant le tort que les 
écoliers pourraient en souffrir et lg, 
peine qu'il occasionnerait aux Maî- 
tres qui lui succéderaient. 

Comme il est timide en ce qu'il 
fait, il cherchera à se rassurer sur 
l'habileté des autres ; il les consul- 
tera ; il recevra en bonne part leurs 
avis, leurs avertissements, leurs in- 
structions, en un mot, tout ce qui 
pourra le mettre en état de s'acquit- 
ter plus parfaitement de son emploi, 

7 0 L'humilité fait qu'un Maître 
aime à communiquer sa science aux 
simples. Il s'occupe donc avec zèle à 
évangéliser les pauvres, à instruire 
les ignorants, et à apprendre aux 
enfants les éléments de la Religion. 
Mais si, avec la science, il est sans • 
humilité, il abandonne aisément les 
parties de renseignement qui ont le 
moins de réputation, quoiqu'elles 
soient peut-être les plus utiles. 



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l'humilité. 29 

■ 

8° L'humilité d'un bon Maître est 
courageuse. Il ne se fait aucune 
peine de ce qu'il peut y avoir de bas 
et de rebutant dans les écoles et 
dans les écoliers ; il reçoit les enfants 
avec bonté, avec douceur ; il souf- 
fre, sans montrer aucune répugnan- 
ce, leurs défauts naturels, leur gros, 
sièreté, leur inaptitude, les vices de 
leurs caractères ; il en supporte pa- 
tiemment l'indocilité, les impoli- 
tesses, l'ingratitude, les résistances, 
les insultes, sans se livrer au ressen- 
timent, à la vengeance, lors même 
que ces fautes le regardent person^ 
nellement; néanmoins^ il n'oublie 
pas qu'il doit toujours réprimer tout 
ce qui pourrait affaiblir son auto- 
rité, et donner lieu à la mutinerie^ 
à l'insolence, à l'inapplication ou 
aux autres manquements des éco* 
liers. 

9° L'humilité fait qu'un bon Maî- 
tre traite ses égaux, ses inférieurs, 



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30 



l'humilité. 



avec estime, cordialité, amitié et 
bonté. 

io° L'humilité fait qu'un bon 
Maître endure sans tristesse la con- 
fusion que ses méprises, ses mal- 
adresses, le défaut de succès peu- 
vent lui attirer. Les écoliers ne sau- 
raient en effet qu'être édifiés de son 
exemple, pour l'imiter ensuite eux- 
mêmes, lorsqu'ils se trouveront dans 
de pareilles circonstances. 

il* L'humilité d'un bon Maître 
est charitable ; elle le rend aimable, 
obligeant, serviable, de facile abord, 
surtout aux pauvres et à ceux pour 
lesquels il se sentirait de l'éloigne- 
ment. 11 ne prend donc jamais en- 
vers ses écoliers un air insultant, 
méprisant, dédaigneux. 

1 2° Enfin, outre les défauts dont 
nous venons de parler, l'humilité 
condamne encore en général les sui- 
vants, savoir : les manques d'égards, 
l'indifférence pour les autres, des 



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l'humilité. 



31 



façons de faire importantes, pré- 
cieuses, recherchées envers ses Frè- 
res et les écoliers; l'égoïsme, qui 
fait qu'on n'est occupé que de sa 
personne, et qu'on rapporte tout à 
soi; une défiance excessive de soi- 
même, qui n'est qu'une fausse hu* 
milité, bien condamnable dans le 
cas où, craignant de ne pas réussir, 
elle" refuse de s'employer autant que 
la gloire de Dieu et l'obéissance le 
demandent; l'esprit d'indépendan- 
ce, qui fait qu'on ne suit que ses 
idées, qu'on veut n'être subordonné, 

f>our ainsi dire, à personne dans 
'exercice de son emploi , en sorte 
qu'on rend avec peine à un Visiteur, 
à un Directeur, à un Inspecteur, les 
devoirs de prévenance, d'honnêteté 
qu'on doit remplir à leur égard : 
comme de les prier de s'asseoir sur 
le siège pendant les exercices, de 
leur demander ce qu'ils désirent 
qu'on fasse faire , de les accompa- 



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3$ l'humilité. 

gner pour répondre à ce qu'ils peu- 
vent demander, de leur donner tous 
les éclaircissements qu'ils exigent , 
de leur mettre en main les cahiers 
des écoliers, de recevoir leurs ob- 
servations et leurs avis, etc. 

L'humiliation suivra le superbe ; 
et la gloire fera le partage de l* hum- 
ble d'esprit. Prov. xxxix, s3. 

Que chacun par humilité croie les 
autres au-dessus de soi. Philipp . h, 3 . 

. — 
IY. LA PRUDENCE. 

La prudence est une vertu qui 
nous mit connaître ce que nous de- 
vons éviter, en nous indiquant les 
tnovens sûrs et légitimes de parve- 
nir à une fin louable. Elle détermine 
donc l'usage que nous devons faire 
de notre esprit, pour prévenir le 
repentir en chacune des démarches 
ou des entreprises de la vie. Au 



LA PRUDENCE. 



33 



reste, les moyens qu'elle emploie 
seront toujours légitimes, s'ils sont 
inspirés par la raison ou pour la 
foi ; et ils seront sûrs, s'ils ne sont 
insuffisants ni excessifs. 

Comme la principale fin d'un bon 
Maître est l'éducation des enfants, la 
prudence l'éclairé conséquemment 
sur les moyens qu'il doit prendre 

{Dour les bien élever, en formant 
eur esprit et leur cœur : ainsi c'est 
une vertu très -estimable; elle est 
même un des arts les plus excel- 
lents, dit S. Jean Chrysostome (i) ; 
car, ajoute -t -il, un bon Maître 
femporte infiniment sur un liabile 
peintre y sur un liabile statuaire, et 
sur les autres artistes; d'où il faut 

■ 

(1) Quid raajus quam animis moderari, quam 
adolescentulorum fingere mores? Omni certe 
pictore, omni certe statuario,caeterisque hujus- 
modi omnibus, excellentiorem hune ducô, qui 
juvenum animos fingere non ignore t. Hom. 60 
sur S. Mat th. 18. 

3 



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34 



LA PRUDENCE. 



conclure qu'on peut lui appliquer 
singulièrement ces paroles de l'Es- 
prit saint : Heureux Vhomme qui 
est riche en prudence ( i ) . 

Comme les fonctions de cette 
vertu sont de bien délibérer, de bien 
juger, de bien ordonner, un Maître 
doit s'étudier à les remplir comme 
il faut ; il ne peut, en effet, s'assu- 
rer du succès dans l'éducation des 

■ 

enfants, sans être assuré de l'infail- 
libilité des moyens qu'il emploie 
pour les bien élever, et il ne peut 
en être assuré sans avoir examiné, 
discuté, cherché, découvert quels 
sont ces moyens. 

Néanmoins il est possible, en gé- 
néral, qu'il se trompe dans son juge- 
ment; mais ce n'est pas lorsqu'il 
agit avec prudence : car ou la chose 
dont il juge est évidente, ou elle est 
douteuse. Dans le premier cas, il ne 
saurait se tromper, et dans le se- 

(1) Prov. ni, 13. 



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LA PRUDENCE. 



35 



cond, avant de prononcer, il réflé- 
chit avec l'attention requise pour ne 
dire que ce qu'il sait, et pour ne 
donner que comme conjecture ce 
qui est seulement conjectural. 

Mais pour s'acquitter dignement 
des fonctions de la prudence, il a 
soin de faire usage des parties qu'elle 
renferme, et qui sont au nombre'de 
huit, savoir : la mémoire, l'intelli- 
gence, la docilité, l'adresse, le rai^- 
sonnement, la prévoyance, la cir- 
conspection et la précaution. 

La mémoire. Il est de la prudence 
d'appliquer à l'avenir l'expérience 
du passé : rien ne ressemble plus à 
ce qui se fera que ce qui s'est déjà 
fait. Un bon Maître saura donc pro- 
fiter de ce qu'il a appris; il s'in- 
struira utilement par les fautes et les 
succès d'autrui, dont il' est informé, 
et ne manquera pas de suivre fidèle- 
ment notre Conduite des Ecoles, qui 
n'a été faite que d'après d'exactes 



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36 LA PRUDENCE. 

. 

recherches et l'expérience la plus 
consommée. 

L'intelligence. La prudence de- 
mande qu'on connaisse pleinement 
l'objet dont on s'occupe, et les 
moyens qui conviennent pour le 
remplir. 

Un Maître cherchera donc pre- 
mièrement à bien étudier et à bien 
approfondir le génie et le caractère 
des enfants, pour proportionner ses 
leçons à leur capacité, à leurs be- 
soins, et pour les rendre utiles. Par 
exemple, il en est tels que la crainte 
retient, et tels, au contraire, qu'elle 
abat et décourage. On en voit dont 
on ne peut rien tirer qu'à force de 
travail et d'application ; d'autres qui 
n'étudient que par boutade et par 
saillie. Vouloir les mettre tous de 
niveau, et les assujettir à une même 
règle, c'est vouloir forcer la nature. 

La prudence du Maître consiste à 
garder le milieu qui s'éloigne égale- 



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LA PRUDENCE 



37 



ment des deux extrémités ; car ici le 
mal est tout près du bien, et il est 
aisé de prendre l'un pour l'autre et 
de s'y tromper : c'est ce qui rend 
si difficile la conduite des jeunes 
gens. 

Secondement un Maître prépa- 
rera soigneusement le sujet de cha- 
que leçon qu'il veut donner; c'est 
donc ici le lieu de traiter de nou- 
veau, comme nous l'avons annoncé 
précédemment, une matière qui est 
aussi importante, et qui d'ailleurs 
doit entrer naturellement dans un 
ouvrage où l'on explique les vertus 
d'un bon Maître. Ainsi nous disons 
que la prudence exige d'un Maître 
qu'il se prépare avec soin avant de 
donner chaque leçon à ses écoliers ; 
car il faut qu'il se rappelle exacte- 
ment les principes qui peuvent ai- 
sément échapper à la mémoire, et 
dont l'oubli occasionnerait de gran- 
des méprises; il faut qu'il cherche 



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38 



LA PRUDENCE. 



des raisons pour appuyer les prin- 
cipes; qu'il les rassemble avec dis- 
cernement et avec choix, et qu'il ne 
saisisse pas au hasard tout ce qui 
s'offrirait dans une lecture rapide et 
peu réfléchie ; il faut qu'il donne de 
la clarté, de l'ordre, de l'arrange- 
ment à ses discours, pour en facili- 
ter l'intelligence, et écarter l'embar- 
ras que la confusion et le désordre 
produiraient infailliblement dans les 
esprits; il faut enfin qu'il se mette 
en état de s'exprimer avec la dignité, 
la décence qui conviennent à l'ensei- 
gnement, et sans lesquelles ce qu'il 
dit excite souvent l'ennui, le dégoût 
et quelquefois le mépris de ceux qui 
l'écoutent; cela demande évidem- 
ment une préparation et du travail; 
et si, en négligeant l'un et l'autre, 
on s'attend que Dieu y suppléera 
par un secours extraordinaire, cette 
attente ne ressemble-t-elle pas plus 
à la témérité d'un homme qui tente 



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LA I'RUDEKCE. 



39 



Dieu, qu'à la sécurité de celui qui 
se confie justement en sa bonté et 
en son pouvoir? 

Il est, à là vérité, des Maîtres si 
pleins de tout ce qui peut servir à 
i instruction de leurs disciples, qu'ils 
sont souvent disposés à enseigner 
différentes parties sans préparation: 
ce sont ceux qùe J.-C. compare à un 
père de famille qui est toujours en 
état de tirer son trésor des richesses 
anciennes et nouvelles qu'un travail 
assidu leur a acquises : mais il faut 
avouer que cette facilité et cette . 
abondance, qui ne peuvent être que 
l'effet d'un talent supérieur, joint à 
un long exercice de l'enseignement^ 
ne sont pas le partage de la multi- 
tude, et que, pour le commun des 
Maîtres, entreprendre, sans s'être 
préparé, de traiter en public les vé- 
rités les plus importantes de la Reli- 
gion, c'est une témérité, une pré- 
somption, un mépris en quelque 



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40 



LA PRUDENCE. 



sorte d'une fonction telle que celle 
dont il s'agit. 

La docilité. Ceux mêmes à qui un 
âge plus mûr donne de l'expérience 
doivent être disposés à s'instruire 
toujours, s'ils veulent être prudents; 
car, dit S. Thomas, personne ne se 
suffit jamais entièrement à soi-même 
en ce qui dépend de la prudence. Un 
bon Maître se défiera donc de ses 
propres lumières, comme nous l'a- 
vons déjà observé, et ne fera rien 
d'important sans avoir consulté. 

L'adresse regarde l'exécution des 

Justes projets qu'on a formés. Ainsi 
a prudence veut qu'un Maître pré- 
fère toujours les moyens qui lui pa- 
raissent les plus propres à assurer le 
succès de ce qu il entreprend ; elle 
veut encore, par exemple, qu'il 
donne à ses paroles, à ses actions, la 
même attention que s'il était sous 
les yeux des hommes; qu'il s'étudie 
à une parfaite discrétion, sans la- 



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LA PRUDENCE. 



41 



quelle il ne pourrait réussir; qu'il 
soit tellement réservé, que les éco- 
liers ne connaissent pas toujours ce 
qu'il pense et tout ce qu'il prémé- 
dite à leur sujet. 

Le raisonnement. C'est l'art de 
raisonner juste pour se garantir des 
erreurs où l'on pourrait tomber; 
c'est celui dans lequel doit exceller 
un Maître prudent pour poser des 
principes incontestables sur les 
sciences qu'il enseigne, et pour en 
déduire des conséquences certaines 
qui emportent nécessairement la 
conviction de l'esprit. 

La prévoyance. C'est une dispo- 
sition sage des moyens qui condui- 
sent à la fin ; ou, si l'on veut, c'est 
l'action de l'esprit par laquelle on 
conjecture par avance ce qui peut 
arriver suivant le cours naturel des 
choses. Sous le premier rapport, la 
prudence veut qu'un Maître emploie 
assez de temps pour délibérer, s'il 



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LA PRUDENCE, 



ne veut s'exposer au mauvais succès 
d'une entreprise; de taème qu'elle 
lui interdit d'y employer trop de 
temps, s'il ne veut manquer l'occa- 
sion d'agir à propos. La prudence 
d'ailleurs rèele et modifie les autres 
vertus d'un Don Maître : ainsi elle 
examine comment et jusqu'à quel 
degré ces vertus devront entrer dans 
chacune de ses actions ; en sorte 
qu'elle prévoit et ordonne tous les 
moyens, ainsi que l'usage et la juste 
application qu'il faut en faire. 

Sous le second rapport, la pru- 
dence fait conjecturer d'avance à un 
Maître quelle sera l'utilité ou l'in- 
utilité des moyens qu'il peut pren- 
dre, afin de les rejeter ou de s'en 
servir avec plus de sécurité. 

La circonspection. C'est une at- 
tention réfléchie pour examiner mû- 
rement un dessein avant de lui don- 
ner la dernière forme : ainsi un Maî- 
tre prudent n'agira pas sans avoir 



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LA PRUDENCE. 



43 



bien considéré ce qu'il doit fâire; il 
s'étudiera à prendre le parti le plus 
convenable, ayant égard aux circon- 
stances des temps, des lieux, des ca- 
ractères et des personnes. 

Enfin, la précaution prévient avec 
soin les inconvénients de ce que Ton 
veut exécuter. C'est par elle qu'un 
Maître prudent ne punira pas les éco- 
liers sans témoin, ni ne se trouvera 
jamais seul, en aucun endroit, avec 
un écolier, à moins qu'il ne soit à 
portée d'être vu par quelqu'un. C'est 
par elle qu'il s'appliquera à ne rien 
dire ni faire en présence des écoliers 
qu'ils puissent blâmer, ou dont ils 
puissent être scandalisés. C'est par 
elle qu'en reprenant publiquement 
les fautes publiques, il ne fera pas 
toujours connaître à tous les écoliers 
celles que tous ne savent pas, à 
cause au déshonneur et du scan- 
dale qui pourraient en arriver. C'est 
par elle, enfin, qu'il ordonnera telle- 



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U LÀ PRUDENCE. 

ment tout son extérieur, que les 
écoliers n'aient pas sujet de penser 
qu'il les craigne pour des défauts 
naturels qui pourraient être en lui. 

D'après tout ce développement, il 
est aisé de juger comment un Maître, 
avec un bon jugement, avec les con- 
naissances ordinaires et celles que 
l'étude doit lui procurer, s'acquit- 
tera parfaitement des fonctions de la 
prudence; et on voit conséquem- 
ment aussi combien cette vertu lui 
est nécessaire, 

On pèche contre la prudence de 
deux manières, par défaut ou par 
excès. 

On pèche de la première manière, 
par la précipitation, l'étourderie, la 
témérité, le manque d'attention. sur 
soi-même, l'inconsidération, la lé- 
gèreté, la négligence, l'inconstance, 
l'attachement opiniâtre à son sens, 
la confiance aveugle dans des res- 
sources tout humaines, etc. 



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LA SAGESSE. 45 

On pèche de la seconde manière, 
par une fausse prudence, que l'Ecri- 
ture appelle prudence de la chair. 
Elle ne juge en effet que d'après les 
sens, et elle n'a d'autre objet que de 
satisfaire un amour déréglé, une 
trop haute opinion de soi-même : * 
ainsi elle s'occupe avec inquiétude 
des choses temporelles, soit pour le 
présent, soit pour l'avenir; et les 
moyens dont elle se sert pour réus- 
sir dans ses vues sont 1 astuce, la 
tromperie et la fraude. 

Soyez prudents comme des ser- 
pents. S. Matth. x, 16. 

Acquérez la prudence, parce quel- 
le est plus précieuse que l'argent* 
Prov. xvi, 16. 



V. LA SAGESSE. 

La sagesse est une vertu qui 
nous fait connaître les choses les 



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46 LA SAGESSE. 

plus relevées, par les principes les 
plus excellents, pour y conformer 
notre conduite. 

Elle diffère de la prudence, car 
celle-ci ne fait que supposer une 
fin louable, et une fin louable quelle 
qu'elle puisse être, au lieu que celle- 
là regarde directement l'objet de 
cette fin ; et elle le regarde non-seu- 
lement comme bon et louable, mais 
encore comme très-grand et très-im- 
portant. 

Il peut même arriver que l'une 
des deux vertus se trouve sans l'au- 
tre. Donnons-en d'abord un exem- 
ple général. On se propose de faire 
administrer à quelqu'un les derniers 
sacrements dans une maladie que 
l'on dit être grave et dangereuse, 
c'est évidemment un acte de sagesse ; 
mais est-ce toujours en même temps 
un acte de prudence? Non, sans 
doute ; il faut, en effet, savoir mora- 
lement, ou soupçonner avec raison 



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LA SAGESSE. 



que cette maladie est réelle et dan- 
gereuse. Or il est possible, en pa- 
reil cas, qu'on se trompe en man- 
quant à la prudence si, pour s'in- 
former du lait, on remplit mal les 
fonctions de cette vertu, comme si 
Ton examine légèrement les circon- 
stances, si Ton en juge avec précipi- 
tation, et si en conséquence on agit 
ji'une manière inconsidérée. 

Prenons encore ici un autre exem- 
ple tiré de la matière que nous trai- 
tons. Un Maître veut faire aux en- 
fants une instruction sur les objets 
qui le concernent, et en particulier 
sur le catéchisme : c'est évidemment 
un acte de sagesse par lequel il cher- 
che à remplir son obligation ; mais 
s'il parle aux enfants d'une manière 
trop sublime, en sorte qu'ils n'en- 
tendent pas ce qu'il leur dit, ou s'il 
emploie des expressions trop basses 
et peu analogues à la grandeur des 
vérités qu'il doit leur enseigner, il 



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48 LA SAGESSE» 



est sensible qu'il pèche contre la 
prudence. Il y a donc une différence 
essentielle entre les deux vertus dont 
nous parlons. 

Mais en quoi consiste la sagesse 
d'un bon Maître? Elle consiste à 
lui faire connaître, aimer, remplir 
le grand objet, l'objet infiniment 
précieux dont il est chargé. De là il 
suit qu un bon Maître doit commen- 
cer par imiter l'exemple de Salomon, 
en s'adressant avec numilité à l'au- 
teur de tout don, au Dieu des 
sciences, au Père des lumières. 
Donnez-moi, lui disait ce prince (i), 
cette sagesse qui est assise auprès de 
vous dans votre trône, ne me rejetez 
pas du nombre de vos enfants... 
Envoyez - la du ciel, votre sanc- 
tuaire, et du trône de votre gran- 
deur, afin qu'elle soit et quelle 
travaille avec moi, et que je sache 

(1) Sag. ix, M0,41 et i± 



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LA SAGESSE. 49 

ce qui vous est agréable; car elle a 
la science et F intelligence de toutes 
choses ; elle me conduira dans toutes 
mes œuvres avec circonspection^ et 
me protégera par sa puissance; ainsi 
mes actions vous seront agréables» 

Néanmoins il ne suffit pas à un 
bon Maître de prier; il agirait im- 
prudemment si en instruisant les en- 
fants il ne cherchait pas à s'instruire 
lui-même de ce qu'il doit leur enr 
seiener. Ainsi , il s'appliquera à l'é- 
tude comme nous l'avons dit en 

f>arlant de la prudence. La sagesse 
ui indiquera encore, elle lui fera 
approfondir et les sciences qu'il est 
opligé de leur apprendre, et les 
principes de ces sortes de scien- 
ces : autrement il ne dirait à ses 
écoliers que des mots, ou bien il 
ne leur donnerait que des idées 

sans fondement et sans liaison, 
dont le souvenir s'effacerait aisé- 
ment. 

4 



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50 LA SAGESSE. 

D'ailleurs, en leur communiquant 
ses connaissances, il aura grand soin 
en particulier de ne leur rien dire 
d'injurieux, de rebutant, ou qui 
soit capable de les porter au dégoût 
pour le Maître ou pour l'école ; de 
ne se conduire jamais par des opi- 
nions hasardées et par de faux pré- 
jugés, mais toujours par les maxi- 
mes chrétiennes, par les lois divines 
et humaines, et aussi par celles de 
son état. 

Mais, pour instruire les enfants 
avec plus de fruit, la sagesse n'exi- 
ge-t-elle pas qu'il pratique lui-même 
les vertus auxquelles il doit les for- 
mer ? Si vous vous montrez bien con- 
vaincus de ce que vous enseignez y 
dit S. Bernard (i), vous donnerez à 
votre voix la voix de la force ; la 
voix de V action est bien plus, que 
celle de la parole. Agissez comme 

(1) Sermon 59 sur le Cantiq. des Cantiques. 



■ 



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LA SAGESSE. 



51 



vous -parlez. Puisqu'il apprendra 
aux enfants la science de diriger 
leurs actions conformément aux 
vraies règles, de modérer, de corri- 
ger leurs passions, de devenir véri- 
tablement et solidement heureux, 
il s'étudiera donc à leur donner 
l'exemple de ce qu'il voudra leur en- 
seigner; il s'attachera, et pour lui et 
pour leur instruction, à démêler ce 
qui est réellement bon d'avec ce qui 
ne l'estqu'en apparence ; à bien choi- 
sir et à se soutenir dans des choix 
éclairés ; à disposer tout avec ordre 
et avec mesure ; en un mot, à rem- 
plir exactement ses devoirs envers 
Dieu, envers lui-même et envers les 
autres. 

Par là, il acquerra cette sublime 
sagesse, qui renferme la science par 
excellence, la science sans laquelle 
toutes les autres ne sont rien en 
comparaison, celle qui découvre la 
voie du salut, et qui fait goûter à 



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LA SAGESSE 



l'âme les choses du ciel, dont elle 
lui montre toute la douceur et toute 
la solidité; celle qui nous apprend 
à nous conformer à ce que la Reli- 
gion nous dicte; par exemple, à 
trouver les richesses dans la pauvre* 
té, la joie dans les souffrances, une 
véritable élévation aux yeux de Dieu 
dans des emplois bas et méprisables 
aux yeux des hommes; à faire un 
bon usage des biens et des maux de 
cette vie ; à ne prendre aucune réso- 
lution qu'avec des vues droites et 
justes ; à ne tendre à sa fin que par 
des moyens légitimes ; à joindre, 
dans la conduite des enfants, une 
juste fermeté avec une louable dou- 
ceur, les exemples avec les précep- 
tes; à chercher toujours les avanta- 
ges spirituels qui nous enrichissent 
pour l'éternité, plutôt que les avan- 
tages temporels qui ne sont que pas- 
sagers ; bien persuadés qu'w ne $er* 
virait de rien à T homme de gagner 



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LA SAGESSE. 53 

> 

tout T univers s il venait à perdre son 
âme (i); que la terre et tous les 
biens de la terre passeront, mais que 
celui qui fait la volonté de Dieu de- 
meurera éternellement. Telle est, 
en effet, la Vraie sagesse que S. Jac- 
ques nous exhorte à demander à 
Dieu (2), et qui fera principalement 
la gloire et Y ornement d'un bon 
Maître. 

Les défauts contraires à cette ad* 
mirable sagesse sont de préférer 
une Satisfaction tout humaine à un 
acte de vertu surnaturel, et à l'ac- 
complissement parfait de la volonté 
de Dieu, couime d'avoir plus d'em- 
pressement à acquérir des talents 
extérieurs et les sciences profanes, 
que la connaissance nécessaire de la 
Religion j de s'appliquer plus vo- 
lontiers à enseigner ce qui peut 
flatter Tamour-propre, qu'à former 

M) S. Matlh. xyi, 26. — (2) S. Jacq. I, S. 



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54 



LA SAGESSE 



J.-C. dans le cœur des écoliers; de 
rechercher plutôt leur amitié qu'à 
corriger leurs défauts, etc., etc. 

Il y a encore une sagesse qui ne 
vient pas d'en haut, mais qui est 
au contraire une sagesse terrestre, 
animale et diabolique, suivant l'ex- 
pression de S. Jacques (i). C'est une 
fausse sagesse, que les passions 
aveuglent, et qui ne suit que ce que 
lui suggère la malignité de l'esprit : 
elle n adopte que les maximes du 
monde, et elle réprouve celles de 
l'Evangile; elle se met plus en peine 
d'acquérir les vertus qui peuvent 
être agréables aux hommes, que 
celles qui peuvent plaire à Dieu : 
elle n'agit que d'après des motifs 
intéressés, ne changeant que ce qui 
peut lui être utile. D'ailleurs, pour 
séduire et tromper plus sûrement 
les autres, elle s étudie à se dégui- 

(i) S. Jacq. in, 1S. 



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LÀ SAGESSE. 



ser, en paraissant affable, douce, 
liante, polie; mais elle ne fait réel- 
lement aucune difficulté d'employer 
l'intrigue, la ruse, la fraude, l'ar- 
tifice, pour aller à ses fins ; ce n'est 
donc qu'une véritable folie, dont 
les fruits malheureux sont la con- 
tention et la jalousie. 

La sagesse est pleine de lumière, 
et sa beauté ne se flétrit point. Ceux 
qui V aiment la découvrent aisément, 
et ceux qui la cherchent la trouvent . 

Sag. vi, i3. 

Elle est un trésor infini pour les 
hommes; et ceux qui en ont usé 
sont devenus les amis de Dieu, et se 
sont rendus recommandables par 
les dons de la science. Ibid., vu, i4- 

La sagesse a ouvert la bouche des 
muets, et elle a rendu éloquentes les 
langues des petits enfants. Ibid., x, 
21. 



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5G 



LA PATIENCE. 



VI. LA PATIENCE. 

La patience est une vertu qui nôtis 
fait surmonter, sans murmurer et 
avec soumission à la volonté de 
Dieu, tous les maiix de cette vie, et 
particulièrement les peines qui sont 
attachées à l'éducation de la jeu- 
nesse. Elle n'ôte pas, il est vrai, le 
sentiment de la douleur, mais, dit 
S. François de Sales (i), elle le mo- 
dère en nous faisant ressouvenir 
souvent que notre Seigneur nous a 
sauvés en souffrant et en endurant, 
et que de même nous devons faire 
Tfptre salut par tes souffrances et 
par les afflictions, en endurant les 
tnjures, les contradictions et les dé- 

(1) Introduction à la Vie dévoie, liv. m. 
chap. 3. 



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LA PATIENCE. 57 

plaisirs avec le plus de douceur 
qu'il nous sera possible. 

La patience est non - seulement 
nécessaire, mais même utile dans 
tous les maux. 

Elle est nécessaire, parce que la 
loi naturelle nous en fait un devoir, 
et que murmurer des événements, 
c'est outrager la Providence. Ell« 
est utile, parce qu'elle rend les 
souffrances plus légères, moins dan- 
gereuses et plus courtes. 

Le fruit de la patience chrétienne, 
suivant la parole de notre Seigneur 
J.-C. (1), est la possession tran- 
quille de nos âmes, et plus la pa- 
tience est parfaite, plus nous les 
possédons parfaitement, comme dit 
encore S. François de Sales. 

Cette vertu, en effet, en contient 
les puissances dans les justes bornes 
dont elles ne doivent pas sortir : 

{i) S. Luc, xxi, 10. 



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58 LA PATIENCE. 

ainsi, elle empêche tout emporte- 
ment dans les occasions mortifian- 
tes, elle mûrit les desseins, et en rend 
l'exécution plus aisée ; tandis que la 
précipitation, au contraire, rend 
souvent inutiles des projets bien 
concertés ; elle adoucit les peines, et 
calme l'esprit; elle bannit les accès 
de tristesse ; elle défend les paroles 
aigres, les dépits, les mauvaises hu- 
meurs, les découragements , les in- 
quiétudes, les empressements dé- 
raisonnables, les promptitudes, les 
vivacités. 

La pratique de cette vertu con- 
siste donc, comme nous l'avons dit, 
à accepter, sans nous plaindre, tous 
les maux qui nous arrivent. A l'é- 
gard des torts qui nous seraient 
iaits, voici ce que recommande à ce 
sujet le saint que nous venons de 
citer : Plaignez-vous-en, dit-il, le 
moins que vous pourrez; car il est 
certain que pour l ordinaire qui se 



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LA PATIENCE. 51) 

plaint pèche , parce que F amour- 
propre nous fait toujours ressentir 
les injures plus grandes quelles ne 
sont; mais surtout ne faites point 
vos plaintes à des personnes aisées à 
s'indigner et à mal parler. Que s'il 
est expédient de vous plaindre à 
quelqu'un, ou pour remédier à V of- 
fense, ou pour apaiser votre esprit, 
il faut que ce soit à des âmes tran- 
quilles, et qui aiment bien Dieu : 
car autrement au lieu d alléger vo- 
tre cœur, elles le provoqueraient à 
de plus grandes inquiétudes; au 
lieu d'ôter T épine qui vous pique, 
elles t enfonceraient plus avant. 

Tout ce que nous venons de dire 
delà patience, en général, s'applique 
aisément à un bon Maître. Comme 
il est presque toujours avec les en- 
fants, cette vertu consiste, pour lui, 
à supporter les désagréments et les 
dégoûts qui peuvent se rencontrer 
dans son emploi j à ne se faire consé- 



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60 LA PATIENCE. 

quemment aucune peine des airs, 
des plaisanteries, des mauvaises ma- 
nières des écoliers ou de leurs pa- 
rents, à compatir à la faiblesse de la 
raison et de l'âge des enfants, de 
même cp'à la légèreté de leur es- 
prit et a leur inexpérience ; à ne se 
rebuter jamais, ni se lasser de leur 
répéter souvent et très-longtemps 
les mêmes choses, et toujours avec 
bonté et affection, pour les incul- 
quer dans leur mémoire, quelque 
difficulté, quelque ennui que 1 on 
puisse y trouver. En effet, à force 
d'instruire, d'avertir, de remontrer, 
de reprendre, on parvient tôt ou 
tard au but qu'on se propose. Déjà 
les idées justes et raisonnables 
qu'on n'a cessé de présenter com- 
mencent, pour ainsi dire, à pren- 
dre racine : les sentiments pieux 
et chrétiens, c^ux de droiture et 
d'honnêteté, s'insinuent insensible- 
ment dans je cœur tendre et flexi- 



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XA PATIENCE 



61 



ble des enfants bien disposés; et 
enfin Ton recueille des fruits d'au- 
tant plus abondants du'ils ont été 
plus longtemps attendus. Un bon 
Maître n'oubliera donc jamais ces 
paroles de S. Jacques (i), que la 
patience çontient la perfection de 
F œuvre. W 

Les défauts contraires à cette vertu 
sont de rebuter les écoliers par des 

fiaroles offensântes et grossières ; de 
es rudoyer par des brusqueries, 
des traitements violents et excessifs! 
par des coups de la main, de la ba- 
guette, du signal, etc. ; de faire des 
corrections injustes, dictées par des 
saillies vicieuses de l'amour-propre, 
par une impétuosité qui ne prend pas 
le temps de réfléchir avant que d'agir 
ou de parler. 

Cest par votre patience que vous 
posséderez vos âmes. S. Luc, xxi, 19. 

(4) S. Jacq. 4. 



Digiti 



62 LA BETENUE. 

La patience contient la perfection 
de V œuvre. S. Jacq. i, 4- 

La patience vous est nécessaire^ 
a fin que, faisant la volonté de Dieu, 
vous puissiez obtenir les biens qui 
vous sont promis . Hébreux, x, 36. 



VIL LA RETENUE. 

La retenue est une vertu qui nous 
fait penser, parler , agir avec modé- 
ration, discrétion et modestie. 

Elle diffère de la patience. Toutes 
deux, à la vérité, doivent avoir la 
modération pour compagne; mais 
la première, afin de prévenir le mal, 
et la seconde, afin de le supporter. 
La retenue diffère de cette partie de 
la prudence qu'on nomme la pré- 
caution, en ce qu'elle prévient di- 
rectement le mal, soit en elle-même, 
soit au dehors ; au lieu que la pré- 



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LA RETENUE, 63 

caution ne le prévient directement 
qu'à l'extérieur. 

Enfin elle diffère de la gravité. 
Celle-ci n'a pour objet principal 
que ce qui est à l'extérieur ; mais la 
retenue a pour objet essentiel non- 
seulement ce qui est au dehors, mais 
encore ce qui est intérieur. 

Par là on comprend, en général, 
que la retenue est distinguée de la 
précaution et de la gravité, comme 
une cause est distinguée de ses ef- 
fets, comme une source diffère de 
ses ruisseaux ; mais en même temps . 
on conçoit que les vertus d'un bon 
Maître, bien qu'elles soient toutes 
différentes, sont cependant si inti- 
mement unies, qu'elles se tiennent 
entre elles comme par des nœuds 
indissolubles, en sorte qu'on ne 
peut blesser l'une sans en blesser 
souvent plusieurs autres. 

La retenue consiste donc à se 
modérer dans les occasions que Ton 



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64 LÀ IIETEÎÏUE. 

rencontrerait de s'emporter, de se 
fâcher; à ne se permettre rien qui 
ne soit honnête et hors d'atteinte à 
toute juste censure, à tout mauvais 
soupçon. Elle apprend à régler toute 
sa conduite, de manière que les éco- 
liers ne puissent rien y remarquer 
que d'imitable et de bienséant. Elle 
veut qu'on agisse partout d'après les 
égards, les ménagements, la consi- 
dération que demandent l'innocence 
3es écoliers, la faiblesse de leur âge, 
leur facilité à prendre toutes sortes 
d'impressions, à imiter le mal, sa- 
chant qu'un mot, un geste, un souris, 
un clin d'oeil, un rien en apparence 
met en jea leur imagination, devient 
pour eux un objet fécond de rêve- 
ries, une source abondante de con- 
clusions, et décide quelquefois de 
leurs mœurs pour la suite. 

Elle évite encore toute amitié, 
toute liaison dangereuse avec eux. 
Elle défend de les toucher au visage, 



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LA RETENUB 



65 



de les caresser, de rire avec eux, de 
recevoir leurs embrassements ; enfin, 
elle ne perd jamais de vue l'opinion 
où sont les enfants que les personnes 
consacrées à Dieu doivent être sans 
défaut, et au-dessus des faiblesses 
ordinaires aux autres hommes; ne 
faisant rien qui contredise une pa- 
reille persuasion , et se souvenant 
d'ailleurs que parmi ces enfants il 
peut s'en trouver qui aient assez de 
méchanceté pour donner les plus 
malignes interprétations à des pa- 
roles et à des actions, où la malice 
d'un cœur déjà corrompu leur ferait 
apercevoir les plus légères apparen- 
ces du mal. 

Comme la retenue dans les pen- 
sées produit la retenue dans les 
paroles et dans les actions, il est 
très-important d'apprendre à bien 
penser, c'est-à-dire à bien réfléchir 
sur les choses, ainsi qu'à en bien 
juger. 

5 



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LA RBTEMiK. 



On pèche contre la retenue lors- 
qu'on ne s'étudie pas à donner de 
bons exemples, à mettre dans toute 
sa conduite extérieure de la décence, 
à éviter toute manière révoltante, rusr 
tre, tout ce qui serait l'effet d'une 
mauvaise éducation , tout ce qui 



tes yeux ou les oreilles des jeunes 
gens, donner lieu à des jugements 
téméraires et odieux, ou diminuer 
la considération et la réputation 
dont un Maître a besoin pour faire 
le bien, et pour mériter l'estime et 
la confiance des écoliers ; en effet, 
ils perdent à son égard le respect et 
la soumission au moment même où 
ils voient qu'il n'a pas une conduite 
irréprochable , 

L'effet de la retenue est encore, 
comme celui delà gravité, d'imposer 
aux écoliers, de les rendre eux-mê- 
mes très-réservés, et de les empêcher 





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LA DOUCKUE. 67 

peuvent produire les mêmes effet» 
par différents principes. 

Appliquez-vous avec tout le soin 
possible à la garde de votre çœur, 
parce qu'il est la source de la vie. 
Prov. iv, 23. 

Dressez le sentier où vous mettez 
votre pied, et toutes vos démarches 
seront fermes. Ibid. iv, 26, 

Mettez à votre bouche une porte 
et des serrures , fondez votre or et 
votre argent, et faites une balance 
pour peser vos paroles, et un juste 
frein pour retenu* votre bouche.. 
Eccli. xxvm, 28 et 29, 

* 

"»' ' :' '"' , » ■ , <y t •t .,,:•» 

V II I. LA DOUCEUR* 

La douceur est une vertu qui nous 
inspire la bonté, la sensibilité, la 
tendresse ; c'est une vertu dont J.-C. 



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68 



LA DOUCEUR. 



est le plus beau modèle, et qu'il 
nous recommande spécialement par 
ces paroles : Apprenez de moi que 
je suis doux et humble de cœur (i). 
C'est , suivant le saint Evêque de 
Genève (2) , comme la fleur de la 
charité , laquelle , ajoute-t-il d'après 
saint Bernard, est en sa perfection 
quand non-seulement eue est pa- 
tiente, mais quand, outre cela, elle 
est douce et débonnaire. 

On distingue, en général, quatre 
sortes de douceurs : la première est 
celle de l'esprit, qui consiste à juger 
des choses sans aigreur, sans pas- 
sion , sans préoccupation de son 
propre mérite et de sa prétendue 
suffisance; la seconde est celle du 
cœur, qui fait vouloir les choses sans 
entêtement et d'une manière juste; 
la troisième est celle des mœurs, qui 

(1) S. Matth. xi, 29. — (2) Introduct. à la 
Vie dévote, 3« part., c. 8. 



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LA DOUCEUR. 



69 



consiste à se conduire par de bons 
principes , sans vouloir réformer 
ceux sur qui Ton n'a aucun droit , 
ou dans les choses dans lesquelles on 
ne le doit pas; la quatrième enfin 
est celle de la conduite, qui fait agir 
avec simplicité, avec droiture, ne 
contredisant pas les autres sans juste 
sujet, sans avoir obligation de le 
faire, et gardant, en ce cas, la mo* 
dération raisonnable. 

Toutes ces différentes douceurs , 
pour être véritables , doivent être 
bien sincères : car, dit saint Fran- 
çois de Sales, c'est un des grands 
artifices de F ennemi, de /aire que 
plusieurs s'amusent aux paroles et 
aux conversations extérieures de la 
douceur et de l humilité , qui, ri exa- 
minant pas bien leurs affections in* 
tèrieures y croient être humbles et 
doux, et ne le sont néanmoins nul- 
lement en effet : ce que Ion recon- 
naît, parce que, nonobstant leur cé- 



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70 LA DOUCEUR. 

rémonieuse douceur et humilité, à la 
moindre pawle qu'on leur dit de 
travers, a la moindre petite injure 
quils reçoivent, ils s'élèvent avec une 
arrogance nonpareille. 

Ce que nous venons de dire fait 
comprendre combien la douceur 
est une vertu singulièrement admi- 
rable, puisqu'elle a l'humilité pour 
compagne, et que, lorsqu'elle est 
patiente, elle est même la perfection 
de la charité. D'où il suit que, sous 
le premier rapport, elle modère les 
mouvements de la colère , qu'elle 
étouffe les désirs de la vengeance, et 
qu'elle fait supporter, avec une en- 
tière égalité d'âme, les traverses, les 
déplaisirs, les maux qui peuvent 
arriver. Sous le second rapport, qui 
fait son caractère le plus aistinctif, 
elle se concilie l'amitié des écoliers. 
C'est un principe général que l'a- 
mour s'achète par l'amour : un 
Maître doit donc, avant tout et par- 



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LA DÔUCBUll. 71 

dessus tout, prendre pour eux des 
sentiments de père, et se regarder 
comme tenant la place de ceux qui 
les lui ont confiés ; c'est-à-dire qu'il 
doit en emprunter ces entrailles dé 
bonté et de tendresse qui leur sont 
naturelles. Il les emprunte par la 
douceur; elle lui inspire à leur égard 
l'affection, la sensibilité, la bienveil- 
lance, les manières engageantes et 
persuasives ; elle ôte au commande* 
ment ce qu'il & de dur et d'austère, 
et elle en émousse la pointe. Ainsi, 
elle fait leur bonheur, en les atta* 
chant au Maître, et, s'ils sont rai* 
sonnables, ne céderont-ils pas tou*> 
jours bien volontiers à l'insinuation 
et à la douceur, plutôt qu'à la con- 
trainte et à la violence? 

Mais développons én particulier 
comment un Maître se fera aimer de 
se6 écoliers pâr la douceur. 

i° Il commencera par éviter les 
défauts qu'il doit reprendre en eux ; 



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LA DOUCEUR. 



par exemple, les manières rudes et 
grossières. 

2° Il fera observer un ordre et une 
police qui n'aient rien de sévère ni 
de rebutant. 

3° Il sera simple, patient, exact 
dans sa manière d'enseigner ; et 
il comptera plus sur une règle sui- 
vie et sur son assiduité, que sur un 
excès d'application du côté de ses 
disciples. 

4° Il aura une égale bonté en- 
vers tous, sans acception, sans pré- 
dilection , sans attention particu- 
lière pour aucun, à moins qu'il n'y 
ait un motif évident de sagesse ou de 
nécessité. 

5° Son attention, pour ne pas dis- 
simuler les fautes qui méritent d'être 
relevées , sera douce et vigilante : 
quand il les reprendra, il ne sera ni 
amer, ni choquant, ni insultant ; et 
aussitôt après qu'il les aura punis, il 
aura soin de dissiper l'aigreur que 



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LA DOUCEUR. 



73 



la punition aura pu leur causer, en 
les faisant convenir de leur tort, de 
la raison qu'on a eue de les punir, 
et en leur recommandant de ne se 
mettre plus à l'avenir dans le même 
cas. 

6° Il tiendra une conduite uni- 
forme; ce qui est d'autant plus es- 
sentiel que si chaque jour trouvait 
le Maître différent de lui-même, par 
le changement d'humeur ou de façon 
de parler, les écoliers ne sauraient 
jamais bien positivement sur quoi 
ils auraient à compter, et ne man- 
queraient pas de le mépriser, et de 
trouver ses continuelles alternatives 
ridicules , insupportables, propres à 
les éloigner de l'école, ou même à 
leur en donner de l'aversion . 

7 0 II leur donnera la liberté 
d'exposer leurs difficultés , et il 
leur répondra avec bonté et de 
bonne grâce, autant qu'il sera né- 
cessaire. 



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74 LA DOUCEUR. 

8* Il accordera à propos dés louan- 
ges au mérite. Quoiqu'elles soient à 
craindre à cause de la vanité qu'elles 
peuvent inspirer, il faut tâcher de 
s'en servir pour animer les enfants 
sans les enivrer; car de tous les 
motifs propres à toucher une âme 
raisonnable, il n'y en a point de plus 
puissant que l'honneur et la honte $ 
et quand on a su y rendre les enfants 
sensibles, on a tout gagné. Ils trou- 
vent du plaisir à être loués et esti- 
més , surtout de leurs parents et de 
ceux dont ils dépendent» 

9° Il leur parlera souvent de la 
vertu, mais toujours dignement et 
avec éloge, comme du plus pré- 
cieux des biens, pour leur en in- 
spirer l'amour et y former leurs 
mœurs . 

io° Il leur dira tous les jours quel- 
que chose d'édifiant, dont ils fassent 
leur profit, pour mener une vie chré- 
tienne et vertueuse. 



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LA DOUCEUR. 



75 



1 1° Il leur apprendra la politessè 
dont ils ontbesoin, et les bienséances 
qu'ils doivent suivre pour être esti- 
més dans le monde et y vivre avec 
honneur : ainsi il s'appliquera à les 
rendre respectueux, doux, honnêtes, 
prévenants, obligeants envers leurs 
supérieurs, leurs camarades et tout 
e monde. 

Il est bien important, en effet, 
de combattre dans les jeunes gens 
certaines dispositions directement 
opposées aux devoirs communs de 
la société : une gossièreté farouche 
et rustique, qui empêche de faire 
réflexion à ce qui peut plaire ou 
déplaire à ceux avec qui l'on se 
trouve; un amour de soi-même, qui 
n'est attentif qu'à ses commodités et 
à ses avantages ; une hauteur et 
une fierté qui nous persuadent que 
tout nous est dû , et que nous 
ne devons rien aux autres ; un 
esprit de contradiction , de criti- 



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- 



76 LÀ DOUCEUR. 

que , de raillerie , qui condamne 
tout, et ne cherche qu'à faire de 
la peine : voilà les défauts aux* 
quels il faut déclarer une guerre 
ouverte. Des jeunes gens qui au- 
ront été accoutumés à avoir de la 
complaisance pour leurs compa- 
gnons, à leur faire plaisir, à leur 
céder dans l'occasion , à ne jamais 
rien dire de choquant contre eux, 
et à ne se point blesser eux-mê- 
mes facilement des discours des 
autres ; des jeunes gens de ce carac- 
tère auront bientôt appris, quand 
ils entreront dans le monde, les 
règles de la politesse et de la ci- 
vilité. 

12° Un Maître formera le cœur, 
l'esprit et le jugement des enfants 
par les moyens suivants : 

Pour former leur cœur, il pré- 
viendra les passions et les vices ; ce 
qui se fait en inspirant de l'éloigne- 
ment et de l'horreur pour les occa- 



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LA DOUCBUK. TI 

sions du péché, en s'opposant aux 
mauvaises inclinations qu'ils lais- 
sent paraître, en les portant à l'a- 
mour des vertus chrétiennes, en 
leur enseignant la nécessité, les 
temps de les pratiquer; en les en- 
gageant à prendre de bonnes habi- 
tudes ; en leur faisant comprendre, 
par exemple, la différence qu'il y a 
entre un enfant vrai et sincère, sur 
la parole de qui l'on peut compter, 
à qui l'on se fie pleinement, et qu'on 
regarde comme incapable non-seu- 
lement de* mensonge et de fourbe- 
rie, mais du plus léger déguisement, 
et un autre enfant à l'égard de qui 
l'on est toujours en soupçon, de 
qui l'on croit avoir toujours raison 
de se défier, et aux paroles duquel 
on n'ajoute pas foi lors même qu'il 
dit la vérité. 

Pour former leur esprit, un Mal» 
tre les instruira avec zèle et avec af- 
fection des dogmes, des devoirs de 



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78 Là DOUCRUR. 

la Religion, et de tout ce qui peut 
les rendre des hommes capables de 
se conduire par la droite raison, et 
des citoyens utiles à la société ; ce 
qui demande encore- qu'on pense et 
qu'on parle avec eux toujours juste, 
toujours raison, toujours bon sens; 
qu'on les habitue à agir de même 
dans toutes les occasions qui se pré- 
sentent, les avertissant et leur fai- 
sant connaître quand ils moquent, 
relevant leurs méprises lorsqu'ils ju- 
gent mal, cj^'ils parlent faut, qu'ils 

{>rennent lçs choses à contre-sens; 
es accoutumant à se comporter tvee 
un tel discernement, qu'ils aient tou- 
jours un but louable, et qu'ils soient 
toujours en état de donner de bon- 
nes raisons de ce qu'ils veulent, de 
ce qu'ils font et de ce qu'ils disent. 

Pour former leur jugement, on 
leur fera remarquer- tous les rap- 
ports que les choses ont les unes 
avec les autres, et les propriétés qui 



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LA DOUCBtiR. 



19 



les distinguent entre elles, -en leur 
faisant parler de ces choses selon le 
discernement qu'ils ont dû d'abord 
en avoir eux-mêmes, et toujours 
avec justesse et exactitude ; en leur 
présentant la comparaison de ce 
qui est répréhensible dans leur 
conduite avec ce qu'ils auraient dû 
penser, dire, faire ou omettre. 

Au reste, en travaillant ainsi à 
former le cœur, l'esprit et le juge- 
ment des écoliers, un Maître ne 
pourrait encore se promettre de 
réussir s'il n'évitait avec soin tout 
ce qui ressentirait la dureté. 

Un Maître pèche par dureté lors* 
qu'il demande de ses écoliers ce qui 
est au-dessus de leur portée, exi- 
geant d'eux, par exemple, qu'ils ré^ 
pètent des leçons de catéchisme ou 
autres plus fortes que leur mémoire 
né leur permet de les apprendre, "ou 
leur imposant des pénitences qui 
. n'ont pas de proportion avec leurs 



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80 LA DOUCEUR. 

fautes, et ne considérant pas alors 
qu'il se rend aussi coupable par 
l'excès d'une punition juste, que 
s'il en faisait subir une à celui qui 
ne l'aurait nullement méritée. 

Il pèche encore lorsqu'il exige les 
choses avec tant d'empire et de hau- 
teur, que les écoliers y remarquent 
de l'indisposition ; lorsqu'il les leur 
demande dans des temps où ils sont 
mal affectés, sans faire attention 
qu'ils ne sont pas en état de pro- 
fiter des efforts de son zèle, pen- 
dant qu'ils n'écoutent que l'empor- 
tement, le dépit ou leur mauvaise 
volonté. 

Il pèche aussi lorsqu'il montre 
une égale vivacité pour les choses 
qui sont de peu d'importance et 
pour celles qui sont considérables ; 
lorsqu'il n'écoute jamais les raisons 
ni les excuses des écoliers, se pri* 
vaut par là d'un moyen de se re- 
dresser lui-même, ou ne leur par* 



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LA BOUCBUR. 



81 



donnant jamais leurs fautes, quoi- 
qu'on doive en pardonner plusieurs 
où il n'y a ni malice, ni mauvai- 
ses suites à craindre* telles que 
sont celles qui viennent d'ignoran- 
ce, d'inadvertance, d'oubli, de légè- 
reté, d'étourderie et autres qui sont 
naturelles à leur âge ; lorsqu'il se 
montre toujours mécontent de la 
conduite dé ses écoliers, quelle 
qu'elle soit; ne paraissant jamais 
qu'avec une humeur grondeuse, 
un air glacial, n'ouvrant la bouche 
que pour dire des choses mortifian- 
tes, désagréables, malhonnêtes* me- 
naçantes, injurieuses; lorsqu'il fait 
voir une prévention criminelle con- 
tre eux, et qu'il interprète eri mau- 
vaise part toutes léiirs actions ; lors- 
qu'il exagère leurs fautes ; lorsqu'il 
agit à leur égard comme si c'étaient 
des êtres insensibles , dénués de 
raison ; par exemple, les saisissant, 
les tirant, les frappant avec violence 

6 



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82 



LA DOUCEUR. 



et emportement; ce qui ne pourrait 
être que l'effet d'un transport de co- 
lère dont un Maître, plus que tout 
autre, doit être incapanle ; lorsqu'il 
punit les fautes douteuses comme 
celles qui sont certaines ; lorsqu'il 
ne se laisse jamais fléchir par les 
écoliers, et qu'il ne leur fait aucune 
grâce, même dans les cas où ils ne 
sont coupables que de manque- 
ments légers, comme seraient d'a- 
voir accidentellement mal écrit une 
page, d'être venu une fois tard à 
l'école, d'avoir manqué une fois de 
suivre la leçon : et que leurs fautes 
ne sont ni contre la religion, ni 
contre les mœurs; telles que se- 
raient les actions et les discours 
contre la pureté, les jurements, les 
batteries, les désobéissances, le vol, 
le mensonge, les irrévérences dans 
l'église et dans les prières. Toute 
cette conduite ôte aux enfants l'a- 
mour du travail et le goût du bien, 



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LÀ DOUCEUR. 83 

les rebute, les fait crier à l'injustice. 

Un Maître doit se persuader, 
i°que les punitions corrigent moins 
que la manière dont on les fait; 
2° qu'en imprimant une crainte ex- 
cessive, par la rudesse et la rigidité, 
il abrutit l'esprit, abâtardit le cœur, 
fait perdre tout.sentiment honnête, 
donne de l'horreur pour l'école et 
pour l'instruction ; 3* que trop de 
roideur à ne jamais se relâcher en 
rien empêche les corrections d'être 
utiles ; 4° qu'il peut gagner par une 
sage modération ceux qu'il ne ferait 
qu'irriter par une austérité indis- 
crète ; 5° qu'il ne pourra jamais se 
faire craindre utilement s'il n'inspire 
aux enfants la crainte de Dieu, de 
ses jugements et de ses châtiments ; 
que s'ils la méprisent, ou si elle ne 
fait sur eux aucune impression, 
toute son autorité sera impuissante 
pour se faire craindre lui-même. 

Au reste, il ne faut pas oublier 



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84 M« boucjsuh. 

que si la douceur est pleine de cha- 
rité, elle doit pareillement être fer- 
me. La charité peut bien attirer 
pour un temps le cœur des écoliers, 
mais elle ne suffit pas, quand ils 
viennent à se relâcher, comme ils 
font quelquefois ; il faut que la fer* 
meté vienne au secours pour les re- 
tenir dans le devoir, ou pour les y 
remettre quand ils s'en éloignent. 

Mon fils, dit le Sage (i), accom- 
plissez vos œuvres avec douceur, et 
vous vous attirerez non-seulement 
V estime, mais aussi î amour des hom- 
mes. Sur quoi un commentateur re- 
prend (2) : « Le Sage veut qu'on ait 
» de la douceur, et qu'en même 
» temps on fasse parfaitement ce que 
» 4 l'on fait, pour montrer qu'il veut 
» que cette douceur soit ferme. » 

La fermeté, d'après les paroles de 
l'Ecriture que nous venons de citer, 

0) Eocli. m, 19 } — (2) Sacy. 



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LA DOUCEUR. 



consiste donc dans une exacte fidé- 
lité à observer tout ce qui peut con<- 
duire à la fin qu'on se propose : 
ainsi elle exige dans un Maître de la 
force, du courage et de la constance. 

De la force, pour s'opposer à tout 
ce qui pourrait être contraire au bon 
ordre, et pour se mettre au-dessus 
(de toutes les difficultés et de tou- 
tes les peines de l'école ; elle est né* 
cessaire, par exemple, quand un 
Maître arrive pour la première fois 
dans une classe ; car le premier soin 
d'un écolier, en cette occasion, est 
d'étudier et de sonder le nouveau 
Maître pour en découvrir quelque 
faible, s'il en a, et pour en profiter; 
quand il voit, au contraire, que, 
paisible et tranquille, ce Maître op- 
pose à ses ruses et à ses tentatives 
une fermeté douce et raisonnable, il 
se soumet et se range à son devoir. 

Du courage, pour tenir la main à 
tout ce qui peut produire ou conser- 



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86 



LA DOUCBCB. 



ver le bon ordre et l'avancement des 
écoliers. 

De la constance, pour persévérer 
inviolablement dans ses bonnes dis- 
positions; pour franchir généreuse- 
ment les obstacles, les oppositions, 
les embarras, malgré même le peu 
d'espérance du succès. 

Le grand point dont il s'agit ici, 
est de faire une juste application 
d'une douceur ferme à la conduite 
des enfants ; et pour cela, il est es- 
sentiel d'avoir attention aux circon- 
stances particulières où ils se trou- 
vent, pour allier sagement la douceur 
avec la fermeté; ainsi la douceur 
n'empêche pas sans doute qu'on ne 
punisse les fautes qui doivent être 
corrigées ; mais elle ne permet pas 
qu'on use d'une fermeté inflexible, 
si ce n'est lorsque les voies de la dou- 
ceur et de l'exhortation, toutes les 
sages industries, les avertissements 
réitérés, les pensums et autres péni- 



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LA DOUCEUR. 81 

tences ordinaires, avec tous les pro- 
cédés raisonnables, ont été em- 
ployés; lorsque tout cela n'a pu cor- 
riger ni vaincre une humeur récalci- 
trante, une désobéissance opiniâtre, 
accompagnée d'un air de mépris et de 
révolte, une paresse décidée, l'omis- 
sion de l'école, les négligences no- 
, tables et habituelles, les dégoûts et 
l'aversion pour l'étude, la duplicité 
et le déguisement, la flatterie, la 

{>ente aux rapports, aux divisions, à 
a médisance, un esprit moqueur, 
etc., se souvenant toujours qu'une 
rigueur inexorable de la part d'un 
Maître éloigne et révolte ordinaire- 
ment les écoliers, les parents, et tout 
le monde ; à moins qu'elle ne soit 
devenue évidemment nécessaire. 

La douceur ne permet pas même 
qu'en punissant on se serve unique- 
ment de l'autorité. Lorsque l'auto- 
rité agit seule, elle peut bien con- 
traindre les coupables ; mais elle ne 



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88 LA DOCCEUR. 

les corrige pas. Si des manières im- 
périeuses leur inspirent un respect 
forcé, ils obéissent pendant qu'on les 
observe et qu'on est avec eux : ils ne 
peuvent pas s'en dispenser; mais ils se 
démentent dès qu'on les perd de vue. 

Il faut donc, pour faire un juste 
mélange de la douceur avec la fer- 
meté, ne donner dans aucun des in- 
convénients de l'une ni de l'autre. 
C'est cet heureux mélange qui pro- 
cure au Maître l'autorité (i) qui est 
Tâme du gouvernement, et qui in- 

(i) Cette autorité est un certain ascendant 
qui imprime le respect et la soumission. Ce 
n'est ni l'âge, ni la grandeur de la taille, ni le 
ton de la voix, ni les menaces qui donnent l'au- 
torité, mais un caractère d'esprit égal, ferme, 
modéré, qui se possède toujours, qui n'a pour 
guide que la raison et qui n'agit jamais par ca- 
price, ni par emportement. Ce qui la donne en- 
core c'est le sage mélange de la douceur et de 
la fermeté, del'amour et de la eninte. L'amour 
doit gaguer le cœur des enfants sans les amol- 
lir, et la crainte doit les retenir sans les rebuter. 

^Nous allons rapporter les principaux moyens 
d'établir ou de conserver l'autorité. Plusieurs 



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I*A POWCPUB. 89 

spire aux disciples le respect, c'est- 
à-dire le lien le plus ferme de l'o- 

de ces moyens se trouvent, à la vérité, épars çà 
et là dans le cours de l'ouvrage ; mais nous ju- 
geons à propos de les réunir ici tous ensemble* 

Ils sont : 1° de ne jamais user du pouvoir d'un 
Maître hors de propos, sans raison, sans ré- 
flexion, ni pour des choses qui n'en vaudraient 
pas la peine ; 

2° De faire exécuter ce qu'on a une fois com- 
mandé justement ; 

3° D'être ferme h ne point accorder cq qu'on 
a eu raison de refuser, quand les circonstances 
n'ont point changé; 

4 il De ne pas faire légèrement des menaces, 
mais de tenir celles qu'on a faites si les enfants 
y donnent lieu, et de n'être jamais injuste ; 

5° D'imprimer aux écoliers une crainte res- 
pectueuse, et de la maintenir; 

6° D'avoir toujours une marche bien réglée 
dans la manière de les conduire ; 

7° D'être invariable dans sa conduite, en 
sorte que les écoliers sachent qu'ils trouveront 
toujours dans leur instituteur un Maître qui 
fera faire le devoir et respecter le bon ordre; 

8° D'être égal envers tous, de n'avoir de pré- 
dilection pour aucun; car celui qui jouirait 
d'une amitié exclusive, en deviendrait auda- 
cieux, insolent ; et les autres qui en seraient 
privés deviendraient jaloux, mutins, indociles : 
ce qui n'empêche pas néanmoins de marquer 



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90 LÀ DOUCEUR. 1 

béissance et de la soumission ; de 
sorte que ce qui doit dominer de 

de la satisfaction, d'accorder des éloges, des 
récompenses à ceux qui font bien, et de témoi- 
gner du mécontentement à ceux qui font mal; 

9° De ne pas se familiariser avec les élèves; 

40 # D'agir toujours de manière qu'on ne 
puisse jamais être dans le cas de paraître avoir 
tort à leur égard ; 

11° De ne les regarder en aucune manière 
comme des esclaves ; mais en même temps de 
se comporter toujours envers eux avec tant 
de dignité et de réserve, qu'ils ne puissent ja- 
mais se mettre de pair avec leur Maître; 

12° De ne donner à chacune des choses qu'on 
a à leur dire que la juste importance qu elles 
ont. Ce serait être ridicule que d'en mettre beau- 
coup où il n'y en a que peu ou point du tout. 
De même ce serait manquer de justesse que de 
n'en mettre pas, ou de n en mettre presque pas 
dans des choses essentielles, soit è l'ordre géné- 
ral de la classe, soit au bien particulier des élèves; 

13° De parler peu quand on prescrit quelque 
chose, et de se iaire obéir; 

14° De ne point abuser de l'autorité en deman- 
dant trop ou trop rigoureusement ce que l'on 
peut exiger ; comme dans le cas où un écolier 
ne pourrait ou ne voudrait point apprendre ce 
qu'on lui aurait donné à étudier, si 1 on doublait, 
si Ton triplait la tâche qui aurait été donnée : 
encore comme dans le cas où il refuserait de 



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LA DOtJCBUH. 91 

part et d'autre, et prendre le dessus, 
c'est la douceur et l'amour. 

Il faut d'ailleurs éviter soigneuse- 
ment tous les défauts opposés à la 
fermeté. Ainsi l'on évitera première- 
ment la faiblesse. Un Maître pèche , 
par faiblesse, et se rend coupable 
des fautes qu'il doit punir, lorsqu'il 
ne les punit pas, ou lorsqu'il tolère 
que les écoliers fassent ce qu'ils veu- 
lent, ne gardant pas l'ordre, se pro- 
mettant l'impunité dans leurs man- 
quements. 

Secondement, il évitera une lâche 
complaisance, une molle condescen- 
dance. Un Maitre pèche de cette ma- 

faire une pénitence si on l'augmentait, ce qui 
le réduirait au désespoir, au dépit, le rendrait 
insensible, le porterait même à la révolte; 

i8° De proportionner la tâche du devoir à la 
capacité et au caractère de chaque écolier ; 

46° Quand on a affaire à des caractères durs 
et opiniâtres, de ne leur pas céder ; de ne se 
relâcher jamais de la juste fermeté qui doit les 
réprimer. 



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02 LA DOUCEUR, 

nière, lorsqu'il ne fait point usage de 
tous les moyens qui lui sont donnés 
pour réussir dans son emploi ; lors- 
qu'il varie dans sa conduite, et qu'il 
se relâche mal à propos d'une juste 
fermeté-; lorsqu'il regarde comme 
léger ou indifférent ce qui serait un 
mal réel et considérable; lorsque, 
par des considérations particulières, 
quelles qu'elles soient, il tolère ou 
permet ce qui ne doit pas être souf- 
fert ; lorsque, ne voulant pas se gê- 
ner, il ne donne pas l'attention né- 
cessaire à la bonne discipline de la 
classe ni à l'avancement des écoliers, 
et qu'il ne reprend pas toutes les 
fautes qui y sont contraires; lors- 
qu'il souffre qu'on méprise ou 
qu'on néglige ce qu'il prescrit ou 
recommande justement ; lorsqu'il 
parle nonchalamment, qu'il agit 
aune manière indolente, indiffé- 
rente, sans faire paraître qu'il veut 
tout de bon le devoir; lorsqu'il se 



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LA DOUCEUR. 93 

contente de faire des avertisse- 
ments stériles sans en poursuivre 
l'effet. 

Troisièmement, il évitera une trop 
grande communication avec les éco- 
liers. Elle engendre le mépris, l'in- 
subordinati<yi , l'éloignement pour 
le travail, pour l'application; elle 
rend les écoliers volontaires, indo- 
ciles, rebelles; elle entretient la pa- 
resse et d'autres vices, nuit aux pro- 
grès, laisse naître et fortifier les 
mauvaises habitudes : le Maître s'ex- 
pose alors à manquer de la résolu- 
tion et de la fermeté nécessaires ; il 
est tourné en dérision par les éco- 
liers, et il se prête mal à propos 
à leurs désirs par bassesse d'âme, 
par une timidité répréhensible. Il 
doit être affable sans doute, mais 
son affabilité ne lui permet pas de 
se familiariser avec eux. 
. Quatrièmement, il évitera les au- 
tres défauts contraires à la. fermeté, 



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94 LA DOUCEUR. 

qui sont l'inconstance, une timidité 
excessive, un air honteux, neuf, em- 
prunté, troublé, embarrassé ; ainsi 
que l'opiniâtreté, l'entêtement, la 
présomption , une inflexibilité qui 
ne cède ni à la raison, ni à l'autorité 
légitime, ni à la force. .*« 

Passons présentement à ce qui re- 
garde les châtiments. Nous avons vu 
qu'un Maître procure le bien de ses 
écoliers par une douceur charita- 
ble, et qu'il le soutient par une dou- 
ceur ferme : il nous reste à montrer 
ici qu'il prévient ou qu'il corrige le 
mal par une douceur sage et pru- 
dente. 

D'abord il s'interdit l'usage des 
châtiments corporels. Il est vrai que 
souvent l'Ecriture sainte porte les 
parents à ne pas épargner cette sorte 
de punition, quand elle est nécessai- 
re, pour corriger leurs enfants ; mais 
dans les écoles chrétiennes elle au- • 
rait beaucoup moins d'utilité que 



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■ 



LÀ DOUCEUR. 95 

d'inconvénients; aussi, en est-elle 
bannie depuis longtemps : les Frères 
emploient d'autres moyens pour 
punir les fautes de leurs élèves. 

Lorsqu'ils ont des écoliers d'un 
caractère grossier, intraitable, dur, 
mdocile, insensible à la réprimande 
et à l'honneur, il faut bien qu'ils 
opposent aux vices naissants des 
peines corporelles capables de ra- 
mener au devoir ceux qui ne sau- 
raient être corrigés par des moyens 
plus doux ; mais le parti le plus 
sage, à l'égard des*enfants qui ne 
profitent pas des punitions ordi- 
naires, c'est de les renvoyer aux pa- 
rents,' en observant néanmoins ce 
que prescrit la Conduite en pareil 
cas. 

Au reste on peut se servir des 
moyens suivants pour prévenir les 
corrections, ou pour les rendre rares 
et très-utiles. 

Premier moyen. i° On formera de 



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96 



LA DOUCEUR» 



bonne heure les écoliers à la subor- 
dination, en employant à cet effet 
une fermeté , une égalité de con- 
duite dont on ne s'écartera pas, et 
en les reprenant, quand ils y don- 
neront lieu, avec autorité, c'est-à- 
dire avec une certaine manière d'agir 
et de parler qui ait de l'énergie, de 
la force, qui ressente le Maître, le 
Supérieur : autrement les écoliers 
s'élèveraient contre le Maître ou se 
mettraient, de niveau avec lui ; ils s'é- 
carteraient de la soumission, de l'or- 
dre, et feraient de qu'ils voudraient. 

2« On ne se permettra jamais d'à* 
gir par passion, par humeur, par 
caprice. C'est là un des plus grands 
défauts en matière d'éducation, 
parce qu'il n'échappe jamais aux 
yeux clairvoyants des écoliers, parce 
qu ? il rend presque inutiles toutes les 
bonnes qualités du Maître, et qu'il 
ôte à ses avis et remontrances pres- 
que toute autorité. 



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LA. DOUCEUR. 97 

3° Ôn inspirera aux enfants le re- 
mords et la honte de leurs fautes, 
plutôt que la crainte de la punition 
qu'elles méritent. 

4° On doit bien discerner les fau- 
tes qui méritent d'être punies et 
celles qu'il faut pardonner. D'ail- 
leurs on ne doit pas imposer la même 
punition pour des fautes involontai- 
res et d'inadvertance, que pour celles 
qui sont réfléchies et de malice (i). 

5° On attachera une idée de honte 
et de châtiment à mille choses qui 
peuvent être indifférentes, comme 
d'être à genoux sur une pierre dé- 
signée, et qu'on appellera, si l'on 
veut, pierre de confusion ou d'igno- 
minie, sans qu'on y laisse néan- 
moins trop longtemps le coupable, 
de peur qu'il n'en soit incommodé ; 
d'être à une dernière place de quel- 

(t) Cet article se développera davantage ci- 
après. 

7 



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98 



LA t>OtCEUR. 



que banc, de quelque table ou du 
côté de là porte; d'être à la queue 
des rangs ; d'être assis par terre au 
milieu de la classe ; d'être debout 
auprès d'Unô muraille, sans la tou- 
cher ; de tenir un livre à deux mains 
pendant une heure, restant debout 
au milieu de la classe, sous peine 
d'autres punitions si le coupable y 
manque; et toujours en lui mon* . 
trant un visage froid, mécontent, 
triste, toutes les fois et aussi long- 
temps qu'il fait mal ou qu'il ne fait 
pas ce qu'il' doit. 

6° On ne leur imposera que des 
pénitences justes, en préférant néan- 
moins les plus douces , lorsqu'elles 
peuvent opérer les mêmes effets; 
évitant toujours celles qui peuvent 
nuire à l'instruction, comme de frap- 
per un écolier lorsqu'il ne s'y at* 
tend pas : ce qui tiendrait les en- 
fants dans la crainte, le trouble et 
inquiétude, quand ils verraient ve^ 



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LA DOOCfitm. 



nif leur Maître auprès d'eux, et les 
rendrait plus attentifs à se garantir 
des coups qu'ils croiraient le Maître 
capable de leur donner à l'impro* 
viste, qu'à ce qu'il aurait à leur dire 
pour l'enseignement. 

7" La crainte que l'on doit inspi- 
rer aux enfants, pour l'avenir comme 
pour le passé* sera moins celle de la 
punition que celle du mal qui y don- 
nerait lieu, et qu'ils doivent éviter 
avec soin. 

8° On préférera des -pénitences 
utiles aux châtiments corporels. 
On donnera donc, par exemple, 
avec les punitions déjà indiquées, 
quelques chapitres du catéchisme 
ou autre semblable leçon à étudier 
et à répéter sans faute; des pages 
d'écriture, d'orthographe, des rè- 
gles de calcul ; tout cela à faire mê- 
me à la maison. Ces punitions au- 
ront le double avantage d'occuper 
utilement lés enfants hors le temps 



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100 



LA DOUCEUR. 



des classes, de les accoutumer à un 
travail assidu, de les tenir éloignés 
du jeu et des mauvaises compagnies, 
et de contribuer à leur avance- 
ment. 

9° On ne rendra pas une même 
pénitence journalière et ordinaire: 
les écoliers ne la craindraient plus 
et s'en feraient un jeu ; mais on di- 
versifiera les punitions. 

10 On s'appliquera à étudier le 
temps favorable et la manière con- 
venable de donner une pénitence 
avec plus de fruit. Ainsi, on ne cor- 
rigera pas toujours un enfant dans 
l'instant même de sa faute, surtout 
lorsqu'il est mal disposé, de peur de 
l'aigrir, et de lui en faire commettre 
de nouvelles en le poussant à bout. 
On lui laissera le temps de se re- 
connaître, de rentrer , en lui-même, 
de sentir son tort, et en même temps 

justice et la nécessité de la puni- 
tion ; et par là on le mettra en état 



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LA DOUCEUR. 



m 



d'en profiter. Le Maître, de son cô- 
té, ne doit jamais punir par colère, 
surtout si la faute qu'il punit le re- 
garde personnellement, comme se- 
rait un manque de respect, une in- 
solence, une injure, quelque parole 
choquante. Pour peu qu'il paraisse 
d'émotion sur son visage ou dans 
son ton, l'écolier s'en aperçoit aus- 
sitôt; itaent bien que ce n'est pas le 
zèle dû devoir, mais l'ardeur de la 
passion qui a allumé ce feu ; et il 
n'en faut pas davantage pour faire 
perdre tout le fruit de la punition ; 
parce que les enfants, tout jeunes 
qu'ils sont, sentent qu'il n'y a que la 
raison qui ait droit de les corriger. 

Le second moyen de prévenir ou 
de rendre les punitions rares, c'est 
d'instruire, de reprendre et de me- 
nacer avant de punir. On doit donc 
commencer par bien instruire un 
enfant de ses devoirs. Y manque-t-il 
ensuite ? Si c'est par impuissance et 



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U DOUCEIJB. 



par incapacité, on l'excuse, parce 
que l'on ne peut exiger de lui ce qui 
est impossible, Si c'est par oubli, 
par inadvertance, sans malice, on 
l'avertit. Si c'est par malice, on l'a- 
vertit aussi , mais avec force j s'il 
continue, on le reprend ; s'il récidive 
de nouveau, on le menace; s'il n'y 
a point d'amendement, on punit. 
Ainsi la punition est le dernier effort 
que l'autorité du Maître dofpfrii faire 
employer popr soumettre un écolier 
coupable. 

Les avertissements pour les fautes 
ordinaires doivent être fréquents, 
autant que les enfants y donnent 
lieu, toujours honnêtes et faits avec 
bonté et d'une manière qui en- 
gage à les bien recevoir. Il faut donc 
éviter de leur faire penser qu'on est 
prévenu, de peur qu'en attribuant 



qu'on leur remarque, II ne faut pas 




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LA DOUCEUR. 



103 



non plus qu'ils aient lieu de croire 
qu'on ne les leur donne que par 
quelque intérêt naturel, par quelque 
passion particulière, et enfin par 
quelque autre motif que par celui 
de Jeur bien . 

L'usage des réprimandes ne doit 
pas être trop commun ; et en cela il 
y a une grande différence entre elles 
et les avertissements. Ceux-ci sen- 
tent moins l'autorité d'un Maître que 
la bonté d'un ami : ils sont toujours 
accompagnés d'un air et d'un ton de 
douceur qui les font recevoir plus 
agréablement; et, par cette raison, 
on peut s'en servir souvent, ainsi que 
nous venons de le dire j mais comme 
les réprimandes piquent toujours 
l' amours-propre, et que souvent elles 
empruntent un air et un langage 
sévères, il faut les réserver pour des 
défauts plus considérables, et par 
conséquent en user\% rarement, 
Mais d'ailleurs elles doive** re fai- 



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LA DOUCEUR. 



tes toujours sans dureté, ni mépris, 
ni exagération, ni colère dans les 
paroles, sans prévention, et de ma- 
nière que les écoliers étant bien dis- 
posés, ils soient confus et repentants 
de leurs fautes, portés à s'en corri- 
ger avec une ferme résolution, d'a- 
près les bons motifs qu'on leur aura 
suggérés. On doit, au reste, se don- 
ner de garde, aussitôt après la ré- 
primande, de montrer la même 
sérénité et la même affection à l'éco- 
lier qu'à l'ordinaire; car il s'accou- 
tume à ce manège, et il sait que les 
réprimandes sont un orage de courte 
durée qu'il n'a qu'à laisser passer. 
On doit donc différer de lui par- 
donner jusqu'à ce que son applica- 
tion à mieux faire ait prouvé la sin- 
cérité de son repentir. 

Quant aux menaces, comme elles 
approchent plus de la punition que 
les réprimandes, elles doivent être 
encore plus rares. Il ne faut les em- 



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LÀ douceur. 105 

ployer que pour des sujets bien lé- 
gitimes, et jamais sans avoir aupa- 
ravant examiné si l'on pourra ou si 
l'on devra les exécuter : autrement 
il faut s'en abstenir; car si l'on en 
faisait quelques-unes mal à propos 
elles deviendraient inutiles, et les 
coupables s'enhardiraient dans leurs 
fautes par une espèce d'assurance de 
l'impunité. 

On emploie un troisième moyen 
de prévenir ou de rendre rares les 
corrections, en prévenant ou en ren- 
dant rares les fautes des écoliers. 
C'est ce qu'on fait en usant de tout 
ce qui peut les porter au devoir et 
les y maintenir, comme les louanges 
accordées justement et à propos, 
mais de manière qu'elles ne donnent 
pas lieu à la vanité, ainsi que nous 
l'avons fait observer, ni au mépris 
des autres. On montre un air de sa- 
tisfaction et de joie envers ceux qui 
font bien. On donne des marques 



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106 



L4 DOUCEUR. 



particulières de considération et 
d'estime , des privilèges, des récom- 
penses distinguées, qui consistent 
non en frivolités ni en inutilités, 
mais en choses solides et édifiantes. 
On le fait encore en rendant de bons 
témoignages d'eux aux parents et à 
ceux qui les intéressent ; en les avan- 
çant autant que la choseest possible ; 
en relevant l'avantage qu'il y a d'être 
instruit de tout ce qui fait l'homme 
de mérite, daus quelque état qu'il 
soit, etc. Il n'est pas douteux que 
tous ces traitements ne fassent, sur 
l'esprit des enfants, plus d'effet que 
les menaces ou les punitions. 

Dans les éditions précédentes, on a placé 
ici, comme faisant suite importante à la 
vertu de Douceur, l'Explication des condi- 
tions que le vénérable de La Salle requiert 
au sujet de la correction. L'auteur l'avait 
ajoutée originairement en forme de, post^ 
scrjptum à la fin de cet opuscule. 

Les conditions que la correction 



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LA DOUCEUR. 107 

doit avoir , selon notre vénérable 
Fondateur, 6ont au nombre de dix : 
les sept premières sont celles que 
la correction doit avoir pour être 
salutaire à celui qui la fait 5 et les 
trois autres, celles que la correction 
doit avoir pour être salutaire à celui 
qui la reçoit. 

SI. 

» 

Des sept conditions que doit avoir la 
correction pour être salutaire à 
celui qui la fait. 

i° Elle doit être pure, Sans doute 
il faut avoir en vue, dans la correc- 
tion, comme dans toutes nos actions 
en général, la gloire de Pieu et l'ac- 
complissement de sa sainte volonté; 
mais d'ailleurs il faut se proposer 
encore pour motif l'amendement de 
l'écolier qu'on corrige, en sorte 
qu'il n'y ait aucun mélange d'hu- 



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108 



LA DOUCEUR 



eur, d'aversion, d'antipathie, de 



2° Elle doit être charitable. On 
doit corriger un enfant, par la rai- 
son qu'on l'aime. Un Maître, est 
comme un médecin, et non comme 
un ennemi. // semble, dit saint Au- 
gustin (i), cité par un Commenta- 
teur de l'Ecriture (2), qu'un médecin 
persécute son malade • mais il ne 
persécute en effet que sa maladie. 
Il traite la maladie ^parce qu'daime 
le malade; et il ne fait souffrir celui 
quil aime que pour le délivrer du 
mal qu'il souffre. C'est ainsi qu'un 
Maître agit à l'égard des enfants lors- 
qu'il les corrige : sa rigueur appa- 
rente est une grâce, et les maux qu'il 
leur cause sont des remèdes. 

3» Elle doit être juste. Toute pu- 

(1) De Temp. Serm. 137. 

(2) Sacy, sur le C. ni, 12. Prov. 12. 




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LA DOUCEUR. 



nition suppose nécessairement une 
faute : on ne doit donc corriger que 
pour une faute certaine. De même 
une punition grave ne doit être em- 
ployée que pour punir une faute 
grave, ou dans sa qualité, ou dans 
les suites qu'elle peut moralement 
entraîner. 

La punition peut quelquefois être 
moindre; mais elle ne doit jamais 
excéder : autrement ce serait blesser 
non-seulement la justice, mais en- 
core la raison ; ce serait en effet se 
conduire par préjugé, et même don- 
ner lieu de penser que Ton punirait, 
parce qu'on aimerait à punir, ou * 
par quelque autre mauvais motif. 

4° Elle doit être convenable. Il 
faut avoir égard à l'âge, au carac- 
tère, au tempérament, aux disposi- 
tions de l'écolier qu'on veut corri- 
ger, même à celles de ses parents, 
afin que la punition soit exactement 
proportionnée à la faute , aux cir- 



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■ 



110 LJk DOUCEUR. 

constances* et à la fin qu'on doit se 
proposer, 

5° Elle doit être modérée, c'est-à- 
dire qu'elle ne soit ni trop forte, ni 
précipitée. Trop forte, elle pourrait 
aigrir, révolter, donner lieu à la 
haine ou décourager ; précipitée y 
elle pourrait n'être pas juste ni con- 
venable. 

60 Elle doit être paisible, c'est-à* 
dire qu'elle soit faite sans trouble, 
sans impatience, sans emportement, 
sans fâcherie, et même ordinaire* 
ment en silence, à moins qu'on ne 
parle bas et seulement dans un be- 
soin indispensable, 

70 Elle doit être enfin prudente, 
et c'est une des conditions à laquelle 
il faut encore faire une singulière 
attention ; car avant de punir, la 
prudence veut qu'on s'assure des dis- 
positions du coupable et de celles 
où Ton se trouve soi-même. On pu* 
nirait en vain un écolier qui a 1 es* 



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LA DOUCEUR 



Ut 



prit aigri , révolté, chagrin, rempli 
de fiel : il doit être préparé à la pu- 
nition s'il est capable de raison, et 
le Maître doit y être préparé lui- 
même par la réflexion. 

La prudence veut qu'on juge de 
la faute et de la punition qui doit 
être imposée. Comme il y a de la dif- 
férence entre les fautes commises 

{)ar malice, par obstination, et cel- 
és qui sont commises par inadver- 
tance, par fragilité, il aoit y avoir 
aussi de la différence entre les peines 
dont on les punit. 

La prudence veut qu'on n'accou- 
tume pas trop les enfants aux puni- 
tions 5 ils pourraient y devenir in- 
sensibles, et les châtiments seraient 
sans fruit. 

La prudence veut encore qu'on 
examine la manière de punir, le 
temps, les circonstances, les occa- 
sions, en un mot ce qui est propre 
à rendre la correction utile ; qu on 



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112 LA DOUCBUR. 

considère le caractère, l'âge, le tem- 
pérament, tout ce qui regarde les 
enfants qu'on a à corriger, afin de 
se régler pour le traitement qui doit 
leur être fait : car la punition doit 
être imposée si parfaitement à tous . 
égards que, loin d'avoir de mauvai- 
ses suites, elle ne procure, au con- 
traire , que des fruits avantageux 
- pour les coupables. 

C'est par cette raison qu'il ne faut 
pas punir les enfants d'un esprit ti- 
mide, docile, qui avouent leurs fau- 
tes, comme ceux qui sont mutins, 
entêtés, durs, qui nient leurs fautes, 
qui résistent, etc. C'est aussi par 
cette raison qu'il faut épargner, au- 
tant que l'on peut , surtout aux 
grands écoliers, la honte du châti- 
ment, si leurs fautes sont ignorées 
des autres : de même qu'on doit car- 
der le secret de la punition des Fau- 
tes contre la pureté, lorsqu'elles ne 
sont pas connues, ou qu'elles ne le 



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tk DOUCEUft. 



H3 



sont que dé peu d'écoliers, pour 
conserver l'honneur des Coupables. 

§ H* 

Des trois conditions que la correc- 
tion doit avoir pour être salu- 
taire à celui qui la reçoit. 

i » Elle doit être volontaire , c'est- 
à-dire qu'elle soit reçue sans résis- 
tance, et qu'elle soit acceptée de bon 
gré. Le motif dont il faut se servir 
pour engager celui qu'on punit à 
y consentir, c'est de lui représenter 
la erandeur de sa faute, et la néces- 
site où il est de la réparer, soit 
pour son avantage particulier, soit 
pour le bon exemple qu'il doit don- 
ner à ses compagnons . 

2° Elle doit être respectueuse, en 
ce que l'écolier qui la reçoit doit re- 
connaître l'obligation que son Maî- 
tre a de le punir s'il fait quelque 
faute, et, par une suite nécessaire, 

8 



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m LA DOUCEUR. 

celle où il est de se soumettre à la 
punition lorsqu'il est coupable. 

3° Elle doit être silencieuse, en ce 
sens qu'il faut la recevoir sans par- 
ler, sans crier, sans se plaindre, sans 
murmurer, autrement on prouve- 
rait qu'on ne la reçoit ni volontai- 
rement, ni avec respect. 

D'après tout ce que nous venons 
de dire, il est facile de conclure que 
la douceur sage et prudente, qui 
convient à un bon Maître, n'empê- 
che pas dans les châtiments la fin 
qu'il se propose de remplir , et qu'elle 
y conduit même avec le plus grand 
succès. Il fera donc remarquer aux 
enfants qu'il les aime toujours, et 
que c'est uniquement pour leur 
bien, par nécessité, à regret, qu'il 
les punit ; que ce serait leur porter 
un très-grand préjudice que cie les 
laisser se livrer au vice et contracter 
de mauvaises habitudes ; que c'est à 



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LA DOUCEUR. 415 

leur âge qu'ils doivent prendre la 
forme qu'ils devront avoir toute 
leur vie ; que pour devenir propres 
au commerce du monde et aux de- 
voirs qu'ils auront à remplir, rien 
ne leur est plus important que d'ê- 
tre redressés, corrigés, quand ils y 
donnent lieu, et instruits de ce qu'ils 
doivent savoir; que la peine qu'ils 
ressentent dans le moment produira 
des fruits utiles pour la- suite de 
leur vie, et qu'ils seront bien aises, 
dans un âge plus avancé, d'avoir ac- 
quis des talents dont ils sentiront 
alors tout le prix, tout l'avantage, 
et qui les rendront agréables à ceux 
avec qui ils se trouveront. 

Il est encore facile de comprendre 
que la vraie douceur'd'un bon Maî- 
tre consiste à ne chercher, dans les 
sentiments de bonté dont il est rem- 
pli, que l'amendement, le bien de 
ceux qu'il punit, et le succès de son 
ministère et de ses soins; à n'exiger 



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416 Lk bôucÉufc. 

tien qu'avec circonspection, et à 
attendre avec patience les moments 
favorables pour obtenir cequ'il veut. 

Enfin, il est aisé de sentir avec 
quel soin un Maître doit éviter là 
causticité et l'ironie. Loin d'être des 
moyens propres à corriger les éco- 
liers, elles ne peuvent au contraire 
qu'indisposer leur esprit contre le 
Maître, que rendre inutiles, ou 
presque entièrement inutiles les ef- 
forts de son zèle. Car on sait qu'un 
écolier qui manque d'estime et d'at- 
tachement pour un Maître, dont la 
manière injurieuse lui a blessé, ul- 
céré le cœur, ne reçoit ordinaire- 
ment qu'avec la plus grande répu- 
gnance non-seulement ses correc- 
tions et ses avis, mais encore toutes 
ses instructions. Il se souvient pres- 
que toujours que son Maître a eu 
l'indignité, l'indécence, la bassesse 
de sè moquer de lui et de lè ridi* 
culiser pour ses défauts de corps, 



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d'esprit ou autres, au lieu de l'avoir 
averti, corrigé honnêtement, et de 
lui avoir attiré l'amitié de ses com* 
pagnons, 

Voici plusieurs autres défauts qui 
sont contraires à la douceur, savoir : 
les vivacités, )es saillies impétueuses 
d'un naturel trop ardent; une hu- 
meur noire, bizarre, bourrue, fan^ 
tasque; les airs sombres, farouches; 
les manières dures et méprisantes 5 
un visage fier, sévère; les paroles 
aigres, chagrines, pleines de fiel, 

insultantes (que les écoliers ne man, 

quent guère de rapporter aux pa* 
repts pour les indisposer contre le 
Maître et justifier leur propre ai-, 
greur contre lui, leur aversion pour 
l'école); les agitations Yioleptes, la 
turbulence, les corrections précipi-. 
tées, indiscrètes, brutales, redoun 
blées sans juste fondement, et por-, 
tées au delà des bornes de la justice 
et 4e la charité; ce qyi avilit et fait 



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i 18 LA DOUCEUR. 

détester l'autorité, laquelle, étant re- 
gardée, en ce cas, comme tyranni- 
que, ne peut manquer d'occasionner 
des soulèvements , des haines, des 
malédictions, enfin une sensibilité 
qui éclate quand on reçoit quelque 
mépris ou quelque insulte. 

Il y a cependant une colère qui 
est une vertu : c'est celle qui n'est 
excitée que par un grand désir de 
procurer le bien, de s'opposer au 
mal, de maintenir le bon ordre, la 
police qui doit être gardée. Elle est 
nécessaire; mais il faut qu'elle soit 
réglée par la raison, proportionnée 
aux fautes, à l'intérêt que l'on doit 
prendre aux choses, et toujours telle, 
qu'on se possède soi-même. On doit, 
en ces circonstances, montrer cette 
espèce de colère, soit pour faire 
connaître qu'on est fondé à exiger 
ce qui est bien, et à s'indigner con- 
tre les manquements qu'on cherche 
à reprendre, soit pour porter ceux 



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LÀ DOUCttJR. 119 

qui font mal à se condamner* à se 
réformer eux-mêmes; mais il faut 
qu'elle soit toujours conforme à ce 
que dit le Prophète (i) : Mettez-vous 
en colère ; mais gardez-vous de pé- 
cher. 

La colère dont on doit se garder, 
et qui est un péché, est celle qui 
vient d'une émotion déréglée de 
l'âme, qui porte à se venger ou à 
se soulever avec violence contre ce 
qui déplaît. Cette colère trouble le 
jugement et aveugle la raison. 

Mon fils, accomplissez vos œuvres 
avec douceur, et vous vous attirerez 
non-seulement t estime, mais aussi 
1 amour des hommes. Eccli. m, 19. 

apprenez de moi que je suis doux 
et humble de cœur. S. Matth. xi, 29. 

BienJieureux ceux qui sont doux, 
parce qu'ils posséderont la ten'e. 
S. Matth. v, 4. 

(1) Ps. iv, 5. 



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120 LE ZÈLE. 



' — : = ~ 

IX. LE ZÈLE. 

Le zèle est une vertu qui nous fait 
procurer la. gloire de Dieu avec une 
grande affection. 

Un Maître zélé enseigne d'abord 
ses disciples par de bons exemples ; 
c'est la première leçon qu'il donne 
pour imiter J,<-C., qui a commencé 
par pratiquer avant d'enseigner. Il 
veut en effet parvenir au but qu'il 
se propose; niais il n'y parviendra 
que par le chemin le plus long s'il 
se contente de parler : le plus court 
est celui de l'exemple. Les enfants 
apprennent plus par les yeux que 
parles oreilles. Le discours (i), dit 
saint Bernard, le plus vif et le plus 
efficace, est V exemple des bonnes 

(i) Sur la vie de saint Benoî!, Serm. %. 



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LB ZÈLB. 



œuvres. Bien ne persuade mieux de 
ce quon dit qu'un exemple qui mon-, 
tre lu facilité de la pratique des con« 
seds que l'on donne. Un Maître est 
comme une lampe placée sur le 
chandelier, qui éclaire bien par sa 
lumière, mai» qui doit encore 
échauffer par sa chaleur. Ainsi, U 
procure la gloire de Dieu avec une 
grande affection, lorsqu'il travaille 
d'une manière très*-efûcace à sa prp-» 

pre sanctification- 

Il enseigne ensuite par des instrucr 
tions solides ; c'est la seconde leçon 
qu'il donne à ses élèves, leçon très-» 
importante; car il leur apprend ce 
qu ils. ignorent et ce qu'ils doivent 
savoir pour connaître, ai nier, sei> 
vir Dieu. Cette fonction est lrès-ho«- 
norable sang doute ; mais, comme 
nous, .l'avons déjà dit, combien de 
eines, de fatigues, de travaux, comb- 
ien de dégoûts nVt-U pas à sup<- 
porter pour la remplir 1 Airçsi, il 




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122 



LE ZÈLE. 



procure la gloire de Dieu avec une 
grande affection lorsqu'il travaille 
généreusement, et sans aucun intérêt 
temporel, au salut du prochain en le 
portant à faire le bien. 

Enfin, il enseigne par des correc- 
tions sages et modérées ; telle est sa 
troisième leçon , et leçon bien es- 
sentielle. Combien de choses n'y a- 
t-il pas à reprendre dans les enfants ! 
C'est en eux un mauvais levain, un 
germe vicieux qu'il doit exterminer , 
mais qu'il n'exterminera qu'autant 
qu'il deviendra leur admoniteur 
continuel, qu'il leur fera à propos 
des remontrances convenables, et 
même qu'il ira jusqu'à les punir 
quand il en sera besoin, toujours 
néanmoins d'une manière charita- 
ble et douce. Ainsi, il procure la 
gloire de Dieu avec une grande af- 
fection, lorsqu'il travaille au salut 
du prochain, en employant une di- 
ligence infatigable, un soin assidu, 



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LE ZÈLE. 



un courage ferme pour lui faire évi- 
ter le mal. 

Le zèle, dans un Maître, est donc 
une vertu très-excellente, et c'est 
par cette raison que celui, dit saint 
Jean-Chrysostome, qui macère son 
corps par les austérités a moins de 
mérite que celui qui gagne des âmes 
à Dieu ; et même, ajoute saint Gré- 
goire, il n'est point de sacrifice qui 
lui soit plus agréable que le zèle (i). 

Le caractère de cette vertu est 
très-actif ; c'est même son caractère 
propre. Avec quel empressement, en 
effet, quelle exactitude, par exem- 

{)le, un Maître ne remplira-t-il pas 
es obligations de son état s'il a un 
vrai zèle ! 

i° Ses obligations religieuses. 
Comme la première de toutes est 

Sour lui le soin de sa perfection, afin 
e se soutenir dans la piété, de con- 

(1) L. i, sur Ézéchiel. Hom. 12. 



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114 LE ZÈLE, 

server l'esprit de son état, et 4e ne 
pas tomber dans la dissipation de 
l'esprit, dan? le dessèchement du 
ççsur, suites trop ordinaires des étu? 
des profanes, il regardera comme 

plus nécessaires que jamais les sainr 

tes pratiques ordonnées par les con-* 

sautions, surtout l'assiduité jour* 

nalière à l'oraispn, les lectures spi* 
rituelles, les examens de conscience! 
la fréquentation fervente des sacre* 

ments, les retraites annuelles, etc. 
En général il ne manquera à aucun 
point de la régularité lorsqu'il aura 
a en pbserver quelqu'un j il arrivera 
toujours avant que l'exercice con 
mence plutôt qu'après , soit que la 
chose dont il s'agit soit plus ou 
moins considérable, facile ou péni- 
ble ; il suffit que l'obéissance la lui 

ordonne pu la lui recommande, il 

sera tout prêt, il volera où la règle 
l'appelle, il s'y plaira, et il y restera 
aussi longtemps qu'il devra y rester. 



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1-E tklt. 



lis ' 



•2° Son obligation d'élevér lés en- 
fants. L'éducation de la jeunesse de- 
mande, de la part de ceux qui en 
sont chargés, les soins les plus assi- 
dus, lés travaux les plus pénibles, 
les détails les plus fastidieux. Com- 
ment un Maître portera-t-il le poids 
d'un ministère qui effraierait le plus 
grand courage, s'il n'est pas animé 
d'un grand zèle pour le salut déé 
enfants ? il éprouvera donc quelque 
chose de la tendresse et de l'inquié- 
tude de saint Paul, qui ressentait 

Four les Galâtes (î) les douleurs dè 
enfantement, jusqu'à ce que Jésus- 
Christ fût formé en eux. Ainsi, il 
fera toute sa satisfaction, toute sâ 
joie, d'instruire sàtts relâche, sans 
distinction, sarts aucune acception 
dé pérsOhne, tous les ertfantâ, quels 
qu'ils soient, ignorants, ineptes, dé- 
pourvus des bietts dé la nâture, 

(l) feal. iv, 19. 



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126 



LE ZÈLE. 



riches ou pauvres, bien ou mal 
disposés, catholiques ou protes- 
tants, etc. 

Comme il désirera ardemment le 
salut de ses disciples, il y travaillera 
autant qu'il lui sera possible par ses 
bonnes œuvres, par ses prières, par 
ses communions. En un mot, il aura 
à cœur de les sauver tous sans ex- 
ception, persuadé qu'il n'est aucune 
âme qui n'ait coûté le sang de 
J.-C, et il leur enseignera ce qu'ils 
ont à faire pour profiter de cette ré- 
demption si admirable. 

Mais le véritable zèle n'est pas 
seulement actif, il doit être encore 
éclairé et prudent. Un Maître véri- 
tablement zélé pour l'instruction de 
ses écoliers, se fait tout à tous, à 
l'exemple de l'Apôtre (i), petit avec 
les petits, c'est-à-dire qu'il se con- 
forme à leur manière d'entendre les 

(1) I Cor. «, 22. 



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LB ZÉLÉ. 127 



choses et de les goûter, qu'il se pro- 
portionne, comme nous l'avons fait 
observer^ à leur faiblesse, à leur peu 
de raison et d'intelligence ; prenant 
néanmoins un langage plus relevé 
avec ceux qui sont en état de com- 
prendre, et cela, pour les instruire 
tous avec plus de profit. 

Il ne s'en tiendra pas même à une 
instruction étudiée, faite en règle, 
avec ordre et méthode ; il se servira 
adroitement des occasions, qui ne 
manquent pas, pour placer, comme 
par hasard , une maxime de morale, 
qui, n'étant pas préparée," est mieux 
reçue, et fait ordinairement plus 
d'impression qu'un enseignement 
disposé avec art, et contre lequel les 
écoliers sont quelquefois en garde. 

Enfin, le zèle doit être charitable 
et courageux. Il agit donc avec force 
et avec suavité : 

Avec force, parce qu'il est ma- 
gnanime et incapable de se décou- 



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LE 2ÈLE. 



i 



râffer â l'occasion des peines et des 
difficultés ; 

Avec suavité, parce qu'il est 
doux tendre, compatissant, humble, 
en un mot conforme à l'esprit de 
JésUS-Christ. 

Un Maître manque de zèle, i B lors- 
qu'il est indifférent, et qu'il ne fait 

f)as tout ce qu'il peut pour étendre 
e royaume de Dieu de toutes les 
manières que nous avons dites, et 
surtout en ne donnant pas de bons 
exemples. Comme les enfants imi* 
tent naturellement ce qu'ils voient 
faire par leurs guides, et malheureu- 
sement plutôt le mal que le bien, ils 
retiennent mieux l'exemple d'un seul 
défaut qlie celui de plusieurs vertus; 
2* lorsqu'il n'a pas un vrai désir de 
travailler au salut de ses écoliers et 
qu'il néglige de leur en procurer 
les moyens, autant que sa profession 
l'y oblige ; 3' lorsqu'il est sartS acti- 
vité pour bien instruire, et sans âr± 



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LE ItLH. 



120 



deur pour S'appliquer à sa propre 
perfection . 

Il y a d'ailleurs un faux zèle qu'on 
peut aisément connaître, i° lors* 
que la passion en est le principe; 
2° lorsqu'un déplaisir reçu, un af- 
front, une haine, un dépit, une an- 
tipathie, le mettent en mouvement; 
3° lorsqu'il est l'effet de l'humeur, 
de l'inclination, de l'aversion, de 
l' amour-propre; 4° lorsque, dans 
l'enseignement, on recherche à faire 
une classe plutôt qu'une autre, et à 
demeurer dans une ville où la vanité, 
la paresse, l'amour de ses aises, trou- 
vent mieux leur compte; 5° quand 
on préfère certains écoliers à d'au- 
tres, parce qu'ils plaisent davantage ; 
6° lorsqu'on cherche àfaire connaître 
ses succès, les peines qu'on se donne 
pour l'avancement des écoliers ; 
7° lorsqu'on aime les applaudisse- 
ments et les louanges ; 8° lorsqu'on est 
fâché de ce que les autres réussissent 

9 



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130 



LE ZÈLE. 



mieux que soi ; 9 0 lorsqu'on avertit 
ou qu'on reprend avec des termes 
f injurieux, avec vivacité, aigreur, em- 
portement ou sàns discrétion, et 
sans considérer qu'un zèle impru- 
dent fait souvent plus de mal qu'un 
zèle discret ne fait de bien ; io° lors- 
qu'on est inquiet, mordant, aigre, 
turbulent; n° lorsqu'on se laisse 
aller aux plaintes, aux murmures, a 
la tristesse, au découragement, à de 
malignes interprétations; 12 0 lors- 
qu'on cherche des biens temporels 
plutôt que la gloire de Dieu et l'avan- 
tage spirituel du prochain ; i3° lors- 
qu'on est sans indulgence, sans mi- 
séricorde, sans patience, sans humi- 
lité, sans charité; 1 4° lorsque, dans 
les circonstances considérables ou 
extraordinaires, on ne prend pas 1 
conseil de ceux qui sont établis pour 
diriger et pour conduire. 

Pour ce qui est de moi, je donne- 



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LA VIGILANCE 



rai très-volontiers tout ce que j'ai, 
et je me donnerai encore moi-même 
pour vos âmes. II Cor. xu, i5. 

Malheur à moi si je ne prcche pas 
l'Evangile, car j'y suis obligé ! I 
Cor. ix, 16. 

Que votre zèle soit animé par la 
charité, éclairé par la science, af- 
fermi par la constance ; qu'il soit 
fervent, circonspect, invincible ; 
quil ne soit ni tiède, ni indiscret, ni 
timide. S. Bernard, Serai. 20 sur 
le Cantiq. des Cantiques. 

X. LA VIGILANCE. 

La vigilance est une vertu qui 
nous rend diligents et exacts à rem- 
plir tous nos devoirs. 

Un Maître doit avoir cette vertu , 
et pour lui-même et pour ses dis- 
ciples. 



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132 Là VÎGltAKCfi. 

11 doit veiller sur lui-même, c'est 
à dire, sur les pensées de son esprit, 
sur les mouvements de son cœur, sur 
l'usage de ses sens, sur toute sa per- 
sonne, pour ne rien faire que de bien 
et pour remplir dignement ses obli- 
gations. Les manquements qu'il fe- 
rait, par défaut de vigilance, de quel- 
qu'une de toutes ces manières, nui- 
raient évidemment à l'éducation des 
enfants et pourraient même leur 
inspirer pour lui du mépris et de 
l'éloignement. 

Un Maître doit être vigilant sur 
ses disciples : il est leur ange gar- 
dien. Si son absence ou son inatten- 
tion (car l'une équivaut à l'autre) 
donne lieu à l'ennemi de l'homme, 
qui tourne sans cesse autour d'eux, 
de leur enlever le précieux trésor de 
leur innocence, que répondra-t-il à 
J.-C. qui lui demandera compte de 
leurs âmes, et qui lui reprochera 
d'avoir été moins vigilant pour les 



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LA VIGILANCE. 



133 



garder, que le démon pour les per- 
dre? 

De ce principe il suit, i° qu'un 
bon Maître ne quittera pas sa classe, 
sous prétexte que son compagnon, 
qui tient la sienne auprès de lui, con- 
servera le bon ordre dans les deux 
classes. S'il s'absente, ce ne sera ja- 
mais que pour une très-grande né- 
cessité, et toujours pendant le temps 
le plus court qu'il sera possible. En 
effet, sa présence seule contribue 
beaucoup à rendre les enfants plus 
attentifs en fixant et arrêtant leur 
imagination; et elle leur épargne 
bien des distractions et des négligen- 
ces, qui sont la source de plusieurs 
fautes qu'ils font, et qui donnent lieu 
ensuite à des réprimandes etàdes pu- 
nitions que le Maître aurait pu pré- 
venir s'il n'avait pas été absent. 

a° Lorsqu'il est dans la classe, il 
observe tout, il voit tout ; rien n'é- 
chappe à ses regards. Par là, il con- 



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134 LA VIGILANCE. 

é 

tient les écoliers dans Tordre et l'ap- 
plication ; il les fait venir à l'école 
exactement à l'heure prescrite; il 
leur fait faire entièrement la tâche du 
travail qui leur est donnée; il exige 
qu'ils soient propres, ainsi que les 
livres, les papiers, les cahiers qui 
sont à leur usage. On peut donc dire 
que cette vigilance s'étend à tout, 
qu'elle dirige, qu'elle soutient, qu el- 
le anime tout: piété, lecture, prières, 
catéchisme, manière de répondre à 
la sainte messe, d'y assister, écri- 
ture, orthographe, calcul ; en un 
mot, il n'est rien qu'elle n'embrasse. 

3° Un bon Maître veille sur la 
conduite des écoliers, généralement 
partout ou il se trouve avec eux, agis- 
sant avec prudence cependant, pour 
empêcher qu'ils ne remarquent 
qu'on les examine. D'ailleurs, il doit 
avoir une application continuelle 
pour découvrir, pour connaître tout 
ce qui se passe non-seulement dans 



uigitizeo Dy 



IA YIGlCAKCE. 133 

ia classe, mais encore dans les rues, 
soit avant, soit après l'école; et s'il 
ne peut lui-même voir partout, il se 
sert adroitement des inspecteurs 
qu'il choisit parmi eux : il sè sert 
même plus utilement encore de ses 
compagnons, avec lesquels il entre- 
tient un concert louable et inspiré 
par la charité pour la bonne admi- 
nistration des écoles, suivant en cela 
le conseil que l'Apôtre donnait aux 
Romains, en disant (i) : Supportez- 
vous les uns les autres, comme Jésus- 
Christ vous a supportés pour la 
gloire de Dieu. 

4° C'est surtout à l'église que l'ap- 
plication , les soins et les regards 
d'un Maître se réunissent sur les 
écoliers pour les contenir dans l'or- 
dre, la modestie et le respect qu'exige 
la sainteté de ce lieu. À cet effet, il 
évite soigneusement de promener ses 

(i) Rom. xx, 7. 



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136 LA YIGILANCS. 

yeux et de les fixer sur d'autres ob- 
jets, il se tient en garde contre la 
curiosité, la dissipation, et s'interdit 
absolument tout ce qui pourrait le 
distraire de sa vigilance sur les en- 
fants, ne s'arrêtant même pas trop 
à regarder comment se font les cé- 
rémonies du culte divin, lorsque 
cela pourrait affaiblir l'attention 
qu'il doit à ses disciples, persuadé 
que s'il lui arrivait de s'oublier sur 
ces points, ils s'en apercevraient bien- 
tôt, et ne manqueraient pas de s'é- 
manciper, parce qu'ils pourraient 
n'être pas vus, de se scandaliser, 
d'imiter ses mauvais exemples, et 
d'en espérer l'impunité. 

5° Enfin, la vigilance d'un Maître 
s'étend même sur l'avenir. L'expé- 
rience du passé lui suggère des pré- 
cautions contre des événements qui 
peuvent arriver, et que le raisonne- 
ment lui fait prévoir. Son attention 
le porte à éloigner ce qui pourrait 



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LÀ VIGILANCE. 



137 



offenser les écoliers- Il pense à pré- 
venir leurs fautes, ainsi que les pu- 
nitions qui en seraient la suite, en 
ne leur laissant, s'il est possible, ni 
les moyens, ni les occasions de pé- 
cher. Il vaut mieux, en effet, préve- 
nir un mal que de le punir quand il 
est commis; et c'est ce qu'opère la 
présence continuelle et l'œil atten- 
tif du Maître; car ordinairement les 
écoliers, avant de faire une faute, 
commencent par regarder s'ils ne 
seront pas surpris et aperçus par le 
Maître, dont ils craignent souvent 
plus les yeux que les corrections. 

Il ne faut pas néanmoins que la 
vigilance d'un Maître soit inquiète, 
défiante, embarrassée, accompagnée 
de conjectures mal fondées. Elle 
pourrait alors être opposée à la jus- 
tice et à la charité; elle serait aussi 
révoltante pour les écoliers, qui s'en 
apercevraient, que gênante et incom- 
moda pour le Maître. Cette applica- 



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138 



LA VIGILANCE 



tion doit être paisible, sans agita- 
tion, sans trouble, sans contrainte 
et sans affectation ; elle n'en est alors 
que plus parfaite. Comme il ne faut 
rien omettre de ce que demande une 
exacte surveillance, il ne faut pas non 
3lus outrer les précautions. D'ail- 
eurs, en voulant conserver les bonnes 
mœurs, on doit faire en sorte que 
les enfants ne deviennent pas des 
hypocrites. 

Un Maître s'abstiendra des défauts 
suivants, comme étant contraires à la 
vigilance : il évitera l'application à 
toute autre chose qu'à ce qui doit 
l'occuper dans chaque moment ; la 
lâcheté, l'assoupissement, les con- 
versations inutiles avec les écoliers, 
avec les externes, même avec ses 
compagnons d'école, la dissipation 
d'esprit, le dégoût pour la classe, 
l'inattention, l'indolence, un certain 
engourdissement qui le rendrait in- 
capable d'action, la présomption, la 



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LA VIGTLÀKCE. i39 

témérité, ainsi que la pesanteur ou 
la lenteur de la paresse. 

Outre ces défauts, un Maître doit 
encore éviter une trop grande in- 
quiétude, des agitations précipitées 
et vives du corps, de la téte, des 
yeux, des bras; la négligence à ob- 
server tout ce que font les écoliers, 
et de quelle manière ils s'acquittent 
de leurs devoirs ; l'inexactitude à te- 
nir soigneusement et continuelle- 
ment la main à tout ce qui peut 
établir Tordre et l'application. 

- 

Prenez garde à vous-même et à 
votre troupeau. Act. xx, 28. 

Pour vous, veillez; souffrez con- 
stamment toutes soi tes de travaux; 
remplissez votre ministère. II Tim. 
iv, 5. 

ce Nous avons un grand dépôt 
confié à nos soins et à notre vigi- 
lance ; ce sont les enfants. Ayons- 
en tout le soin possible, et prenons 



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140 LA PIÉTÉ. 

garde que le voleur rusé, qui n'en 
veut qu'à nos âmes, ne nous les en- 
lève pour en faire sa malheureuse 
proie. » Saint Jean Ghrysostome sur 
la première épître à Timothée. 



XL LA PIÉTÉ. 

La piété est une vertu qui fait que 
nous nous acquittons dignement de 
nos devoirs envers Dieu. 

- 

Nous nous en acquittons digne- 
ment lorsque nous les remplissons 
avec respect et zèle ; car la majesté 
infinie ae Dieu, sa bonté immense, 
exigent de nous que nous lui ren- 
dions l'hommage le plus respec- 
tueux, et que nous ayons le plus 
grand empressement pour le servir 
comme il le demande. e 

Un Maître doit avoir éminemment 
la vertu de piété : c f est-à-dire que sa 
piété sera intérieure dt sincère ; au* 



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LA PlÊÎÊ. 



141 



trament, il ne serait qu'un hypocrite. 
Elle sera éclatante et exemplaire, 
parce qu'il doit faire paraître au de- 
hors les sentiments dont son cœur 
est pénétré. 

Qu'est-ce, en effet, qu'un Maître 
, chrétien , chargé de l'éducation des 
jeunes gens ? C'est un homme entre 
les mains de qui J.-C. a remis un 
certain nombre d'enfants qu'il a ra- 
chetés de son sang, et pour lesquels 
il a donné sa vie, en qui il habite 
comme dans sa maison et son tem- 

Ele, qu'il regarde comme ses mera- 
res, comme ses frères et ses cohé- 
ritiers, qui régneront avec lui et 
glorifieront Dieu par lui dans toute 
l'éternité. Et pour quelle fin les lui 
a-t-il confiés ? Est-ce précisément pour 
en faire de bons écrivains, de grands 
arithméticiens , d'habiles calcula - 
teurs, des mathématiciens, des sa- 
vants ? Qui oserait le dire ou le pen- 
ser 1 II les lui a confiés pourconserver 



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H2 



LA PIÉTÉ. 



en eux le précieux et l'inestimable 
caractère de l'innocence, qu'il a im- 
primé dans leur âme par le baptême, 
pour en faire de véritables chrétiens. 
Voilà donc ce qui est la fin et le but 
de l'éducation des enfants : tout le 
reste ne tient lieu que de moyens. 

D'où il suit qu'un Maître doit avoir 
un très-grand soin de les former a. 
la religion. Ainsi il s'appliquera, 
comme nous l'avons dit ailleurs, à 
les instruire des mystères de la foi, 
en particulier de ceux qu'il leur est 
nécessaire, de nécessité de moyen, 
de croire d'une manière explicite: 
du symbole, des vérités qui regar- 
dent la pratique, comme des com- 
mandements de Dieu et de l'Eglise, 
des dispositions requises pour rece- 
voir avec fruit les sacrements, etc. 

Il ne manquera pas non plus de 
leur parler des engagements du bap- 
tême, des renonciations qu'ils ont 
faites en recevant ce sacrement, de 



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LA l'IÊTÊ. 



1 esiime qu'ils en doivent avoir, des 
grâces qu'ils y ont reçues, et de ce 
qu'ils sont obligés de faire pour les 
conserver. 

Il leur expliquera ce qui concerne 
l'obligation d'assister aux offices di- 
vins, surtout à la sainte messe les 
dimanches et fêtes, les fruits pré- 
cieux qu'ils recueilleront en y assis- 
tant tous les jours, la manière de 
faire cette importante action et de se 
tenir dans l'église, tant pour l'inté- 
rieur que pour l'extérieur. 

Il leur apprendra quelle est la né- 
cessité de la prière, comment et en 
quel temps on doit remplir ce devoir 
essentiel, comme le matin, le soir, et 
en une infinité d'autres circonstances 
de la vie. Il exigera d'eux qu'ils sa- 
chent les formules ordinaires dont 
on se sert en priant, qu'ils les pro- 
noncent bien et distinctement quand 
ils les récitent. 

Il leur enseignera comment ils 



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- 



iU LA PIÊTÏ. 

rendront leurs actions méritoires en 
les offrant à Dieu, et lui demandant 
son secours pour les bien faire; 
comment encore ils doivent profiter 
des peines, des afflictions, se sou- 
mettre avec résignation à la volonté 
de Dieu dans la maladie et dans les 
autres événements fâcheux de cette 
vie, s'acquitter des obligations de 
leur état, s'éloignér des occasions du 
péché, n'être jamais pour les autres 
des sujets de scandale, etc. 

Il leur fera bien connaître les ver- 
tus chrétiennes et morales, la foi, 
l'espérance, la charité, la justice, la 
bonté, la droiture de cœur, la sa- 
gesse, la prudence, la force, la tem- 
pérance, la modestie dans tous leurs 
discours et dans toute leur conduite, 
le respect et la soumission qu'ils 
doivent aux puissances ecclésiasti- 
ques et civiles, l'immortalité de l'â- 
me, les dernières fins de l'homme, 
la grâce, le péché, etc. 



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LA PIÉTÉ 



un 



11 leur inspirera non-seulement 
une piété solide envers Dieu et en- 
vers N. S. J.-C. , mais encore une 
dévotion singulière à la très-sainte 
Vierge, à saint Joseph, à leur saint 
patron, à leur Ange gardien; les in- 
struisant sur les motifs de cette dé- 
votion, récompensant ceux qui s'y 
affectionneront davantage. Il ajou- 
tera, dans les circonstances conve- 
nables, certains traits frappants de 
la vie des saints et des hommes il- 
lustres. Les bons exemples font par 
eux-mêmes plus d'impression sur 
l'esprit des enfants que de longs 
discours, même les mieux raison- 
nés. 

Enfin, il leur inculquera sans cessé 
l'obligation où ils sont de préférer 
leur salut à toute autre chose; et, 
par toutes ces instructions, il for- 
mera en eux les qualités qui font le 
bon chrétien, le bon citoyen, le bon 
père de famille, le bon magistrat, le 

10 



LA FIÉTÛ. 



bon militaire, le bon négociant, etc., 
suivant les différents états auxquels 
chacun sera appelé par la divine Pro- 
vidence. 

Mais n'oublions pas d'observer ici 
que c'est surtout pour bien ensei- 
gner la religion aux enfants qu'on 
doit diversifier, ainsi que nous l'a- 
vons déjà dit, et simplifier les in- 
structions suivant leur besoin ; qu'il 
ne suffit pas de leur faire étudier et 
de leur faire répéter journellement 
le catéchisme, mais qu'il faut en- 
core leur en développer la doctrine 
par des explications qui soient clai- 
res et bien à leur portée. Si un Maî- 
tre tient cette conduite, s'il l'appuie 
de l'exemple de toutes les vertus, il 
produira infailliblement les plus 
grands fruits. 

Au reste, il n'est pas nécessaire 
d'avertir que tous les exercices de 
piété doivent se faire avec respect, 
avec modestie, avec un recueille- 



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LA PIÉTÉ. 



U7 



ment intérieur et extérieur. On ne 
doit donc alors rien permettre ni 
souffrir qui puisse distraire de l'ap- 
plication qu'on doit y donner. Il 
faut aussi exiger qu'à l'église les en- 
fants aient des livres à, la main, et 
qu'ils y lisent toujours. 

Tels sont les principaux objets 
dont un Maître doit instruire les en- 
fants. Mais, encore une fois, pour- 
rait-il leur donner une semblable 
éducation, et les former parfaite- 
ment à une vie chrétienne, s il n'était 
pas lui-même rempli de tout ce qu'il 
leur enseigne ? Nous avons donc eu 
raison de dire que sa piété doit être 
éminente; mais, pour la rendre so- 
lide, il ne manquera pas sans doute 
de prendre J.-C. pour son modèle, 
la morale de ce divin Sauveur pour 
fondement et pour principe de sa 
conduite. Ainsi il méprisera les biens 
de la terre qui passent, les louanges 
des hommes qui n'ont aucune réa- 



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LA PIÉTÉ. 



lité, les plaisirs du siècle qui ne sont 
que dangers et illusions. 

Un Maître manquerait à la piété 
en parlant de Dieu par manière d'ac- 
quit, sans goût, sans être pénétré 
des vérités de la religion , en disant 
ou laissant dire la prière avec préci- 
pitation, sans pause, trop haut, sans 
modestie, sans respect, sans atten- 
tion, en négligeant ou en faisant 
sans application, sans ferveur, cer- 
taines pratiques de dévotion, telles 
que sont de prendre de l'eau bénite, 
de faire le signe de la croix, de join- 
dre les mains, de s'incliner, de se 
mettre à genoux en temps et lieux 
convenables, surtout si c'était par 
honte qu'il s'en abstînt. 

Exemez-vous à la piété Elle 

est utile à tout ; et cest à elle que 
les biens de la vie présente et ceux 
de la vie future ont été promis. 
I Tim. iv, 7 et 8. 



Di 



LA GÉNÉROSITÉ- 149 

Mettez-vous en état de paraître 
devant Dieu comme un ministre di- 
gne de soti approbation, qui ne fait 
rien dont il ait sujet de rougir, et 
qui sait bien dispenser la parole de 
vérité. II Tim. n, i5. 



XII. LA GÉNÉROSITÉ. 

La générosité est une vertu qui 
nous fait sacrifier volontairement 
nos intérêts personnels à ceux du 
prochain, conformément à la con- 
duite de saint Paul, qui disait (i) 
quV/ ne cherchait point ce qui lui 
était avantageux, mais ce qui était 
avantageux à plusieurs, afin quils 
fussent sauvés . 

On voit par cette définition que 
la générosité n'est pas une vertu 
commune et ordinaire, mais très- 
Ci) I Cor. x,33. 



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150 LA GÊKÉBOSITÉ. 



relevée ; en effet le sacrifice qu'elle 
nous inspire se fait librement, et 
l'objet de ce sacrifice est consi- 
dérable. 

Il se fait librement. On n'est pas 
généreux lorsqu'on ne donne aux: 
autres que ce qu'on est tenu de leur 
donner, ou autrement ce qui leur 
appartient. Son çbjet est considé- 
rable. En général on n'est généreux 
qu'autant qu'on se relâche de ses 
droits en faveur de quelqu'un , et 
qu'on lui accorde plus qu'il ne peut 
exiger. On peut donc regarder la 
générosité comme Je plus sublime 
de tous les sentiments , comme le 
mobile de toutes les belles actions, 
et peut-être comme le germe de toutes 
les vertus. 

Appliquons à un bon Maître ce 
ue nous venons de dire : il est aisé 
'en inférer que la générosité lui con- 
vient, et qu'elle lui convient même 
d'une manière très-sublime. 




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LA GÉNÉROSITÉ. ibl 



11 fait un sacrifice bien libre, ûn 
grand sacrifice, puisqu'il se livre 
volontairement à un travail essentiel 
pour le prochain ; savoir, l'instruc- 
tion des enfants, surtout des enfants 
pauvres. 

Quelle est d'ailleurs la sublimité 
de ses sentiments? Pour se mettre 
plus en état de mieux instruire, il se 
consacre à Dieu dans une profession 
où il renonce à tous les biens de la 
terre par le vœu de pauvreté , aux 
plaisirs les plus légitimes par celui 
de chasteté, à sa propre volonté, 
c'est-à-dire à sa personne même , 
qu'il offre comme un holocauste, par 
celui d'obéissance : n'est-ce pas de 
sa part un sentiment admirable, un 
sentiment héroïque? 

Bien qu'il procure au prochain des 
avantages d'une importance infinie, 
loin d'en retirer aucun émolument 
temporel, il se fait gloire du plus par- 
fait désintéressement. Quelle beauté 



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152 LÀ GfiKÉROSITÊ. 

dans cette action dont sa générosité 
est le mobile! 

Il se dévoue, non pas d'une ma- 
nière momentanée, mais pour tou- 
jours, à une fonction très-excellente, 
très- laborieuse , très-rebutante de sa 
nature, et qui, loin de paraître re- 
levée aux yeux des hommes, leur 
parait, au contraire, abjecte et basse. 
11 la regarde néanmoins comme Tu- 
nique objet de son travail, de son 
application continuelle, de ses soins, 
de ses études; et ce qu'il se pro- 

f)ose, c'est d'en faire recueillir tout 
e fruit à ses écoliers; en sorte qu'il 
peut leur dire avec l'Apôtre (i) : 
Pour ce qui est de moi, je donne 
très-volontiers tout ce que j'ai, et je 
me donnerai encore moi-même pour 
vos âmes: De combien de vertus la 
générosité n'est-elle pas en lui le 
germe ! 

(4) H Cor xn, 15, ; 



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LA GÉKÉRC91TÊ. lî)3 



Expliquons encore ce qui regarde 
la générosité. On dit que c'est un 
sentiment aussi noble que la gran- 
deur d'âme, aussi utile que la bien- 
faisance, et aussi tendre que l'hu- 
manité ; mais la générosité d'un bon 
Maître n'a-t-elle pas ces trois carac- 
tères ? 

Elle est aussi noble que la gran- 
deur d'âme. Il s'élève au-dessus des 
injures, dont il ne se venge qu'en 
faisant le bien , des contradictions , 
des dégoûts, de l'ennui, des soins 
d'un travail très-assidu, en un mot 
de tout ce qu'il y a de plus difficile, 
de plus pénible à supporter, pour 
bien élever les enfants. 

Elle est aussi utile que la bienfai- 
sance. Il rend de très-grands services 
aux enfants, et pour l'âme et pour 
le corps : il leur donne des soins 
continuels à cet effet; il les forme 
aux vertus chrétiennes et sociales; 
il leur apprend des choses très-inté- 



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LA GÉNÉROSITÉ. 



ressantes, dont ils pourront profiter 
avec beaucoup d'avantage dans la 
conduite de leur vie. 

Elle est aussi tendre que l'hu- 
manité. Il s'applique à les rendre 
heureux, soit par ses instructions, 
soit par ses conseils, soit par ses 
bons exemples ; il leur procure tous 
les secours dont il est capable; il 
compatit à leur faiblesse ; il les pré- 
munit contre les mauvaises habi- 
tudes; il leur en fait contracter de 
bonnes ; il corrige en eux les incli- 
nations vicieuses , comme l'inso- 
lence, la fierté, l'orgueil, l'estime 
de soi-même, la paresse j l'indoci- 
lité ; il les accoutume à adoucir leurs 
peines par les consolations solides 
qu'on ne peut trouver que dans la 
Religion, et dont il a le zèle de les 
instruire ; il supporte leurs fautes, et 
il ne les réprime que lorsqu'elles le 
méritent; il leur suggère les moyens 
de se préserver de la corruption du 



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LA GÉNÉROSITÉ. 45S 



siècle : il fait toutes ces choses par 
la charité la plus affectueuse, pour 
former en eux des hommes chré- 
tiens et des citoyens utiles à la 
société. 

Ajoutons que la générosité ren- 
ferme le sentiment de la libéralité, 
mais d'une libéralité sage et rai- 
sonnable, telle que doit être celle 
d'un bon Maître, Il doit en effet 
donner des récompenses aux écoliers 
pour exciter leur émulation, les ani- 
mer à bien faire, à éviter le mal; 
mais il nè doit distribuer ces récom- 
penses qu'au mérite, avec discerne- 
ment, sans acception de personne, 
et rarement. Sf elles devenaient com- 
munes, elles deviendraient indiffé- 
rentes ; et , fussent-elles même de 
quelque prix, on n'en ferait bientôt 
plus aucun cas. 

Pour avoir la vertu de générosité 
un Maître doit estimer son emploi, 
le remplir avec affection , sans y rien 



Digitiz 



LA GÊKÊROeiTÉ. 



négliger, aimer à rendre service au 
prochain , et à lui faire tout le bien 
possible, à multiplier ses instruc- 
tions , à les répandre avec une 
louable profusion , soit dans les le- 
çons générales, soit dans les leçons 
particulières qu'il est quelquefois 
dans le cas de donner ; le faisant , 
toujours gratuitement, et sans autres 
motifs que l'avaii tage du prochain et 
la gloire de Dieu. 

Il manquerait à cette vertu s'il 
se permettait des ménagements por- 
tés trop loin, sous prétexte 'que l'en- 
seignement lui paraîtrait fatigant, 
ou causerait quelque altération à sa 
santé ; s'il cherchait plutôt sa propre 
utilité que l'avancement des éco- 
liers dans l'étude qu'il ferait pour 
apprendre les choses dont il doit les 
instruire. 

Il pécherait encore s'il gardait pour 
lui, ou pour donner à d'autres qu'à 
ses écoliers, les récompenses qu'il | 



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LA GÉNÉROSITÉ. 1SÎ 

aurait reçues pour eux. Il blesserait 
même, en ce cas, la pauvreté qui lui 
interdit une pareille disposition. 

Il pécherait enfin s'il recevait des 
présents des écoliers; s'il leur rete- 
nait quelque chose ; s'il cherchait à 
s'attirer des louanges, des applau- 
dissements, à être flatté ; en un mot 
s'il désirait d'autres avantages que 
ceux auxquels est appelé tout digne 
Maître des Ecoles chrétiennes, c'est- 
à-dire l'utilité du prochain, sa pro- 
pre sanctification et la gloire de 
Dieu. 

Je tâche moi-même de plaire à tous 
en toutes clioses, ne cherchant point 
ce qui m est avantageux, mais ce 
qui est avantageux à plusieurs, afin 
qu'ils soient sauvés. I Cor. x, 33. 

Pour ce qui est de moi, je donne- 
rai très-volontiers tout ce que j'ai, 
et je me donnerai encore moi-même 
pour vos âmes. II Cor. xu, i5. 



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CONCLUSION. 



CONCLUSION. 

Telle est, M- T.-C. F., l'explica- 
tion des vertus d'un bon Maître. 
Vous voyez quelle est entièrement 
faite d'après ce que nous en avons 
appris de M. de La Salle, que c'est 
le développement du plan général 
qu'il a suivi pour bien élever les en- 
fants. EU avec quel étonnant succès 
ne l'a-t-il pas suivi! Ce plan, en ef- 
fet, renferme les quatre principaux 
moyens dont les plus habiles Maî- 
tres se servent pour réussir dans 
l'éducation des enfants; savoir, de 
s'en faire estimer, aimer, respecter 
et craindre. Il est évident que les 
douze vertus d'un bon Maître ren- 
ferment tous ces moyens, et qu'il 
n'en est pas une seule qui n'en ren- 
ferme un ou plusieurs. Quelle faci- 



■ 



CONCLU&ION. 



V60 



lité ne procureront-elles donc pas 
à un Maître, lorsqu'elles seront tou- 
tes réunies, et •qu'il les possédera 
plus éminemment 1 

Mais n'est-ce pas en vous confor- 
mant à ce que vous en a enseigné 
monsieur de La Salle que vous avez 
si heureusement continué son ou- 
vrage? Persévérez donc à marcher 
sur ses pas, ayant une ferme con- 
fiance, à l'exemple de F Apôtre (t), 
que celui qui a commencé le bien en 
vous, ne cessera de le perfectionner 
jusqiûau jour de notre Seigneur Jé- 
sus-Christ. Si quelques-uns d'entre 
vous n'avaient pas encore atteint 
la perfection des vertus d'un bon 
Maître, nous espérons qu'ils vont 
à l'avenir s'animer, par une nou- 
velle ferveur, à les acquérir dans 
le degré où ils doivent les posséder, 
et à éviter, avec plus de soin que ja- 

(1) Philipp. i, 6. 



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160 CONCLUSION. 

» 

mais, les défauts qu elles combat- 
tent. C'est le vrai moyen de faire 
fleurir de plus en pli#s l'Institut, ou 
plutôt de procurer davantage la 
gloire de Dieu, et de rendre plus 
utile l'éducation des enfants dont 
nous sommes chargés. 

Ce que nous avons dit vous fait 
connaître, M. T. -G. F., qu'en cher- 
chant à élever la jeunesse, qu'en nous 
sacrifiant en sa faveur, nous pouvons 
nous appliquer avec raison ces paro- 
les que l'Apôtre adressait à Timo- 
thée(i) : Car agissant de la sorte vous 
vous sauverez vous-même et ceux 
qui vous écoutent. Ainsi, à l'exem- 
ple du Docteur des nations, nous 
avons tout lieu à' attendre, si nous 
sommes fidèles à remplir nos obliga- 
tions, la couronne de justice qui nous 
est réservée, que le Seigneur, comme 
un juste juge, nous rendra en ce 

(1) I Tim. iv, 16. 



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CONCLUSION. 



161 



grand jour, et non~seulement à nous , 
mais à tous ceux qui aiment son avè- 
nement (i); couronne qui sera infi- 
niment glorieuse pour nous; car, 
ainsi que vous l'avez remarqué dans 
un passage de S. Jean Chrysosto- 
me (2), celui qui macère son corps 
par les austérités a moins de mérite 
que celui qui gagne des âmes à Dieu. 
Il y a, dit le même saint, deux voies 
pour nous conduire au salut : dans 
l'une on ne travaille que pour soi, et 
dans Vautre on s' intéresse aussi pour 
le service du prochain* Il faut recon- 
naître que les jeûnes, les austérités 
corporelles, la continence et les au- 
tres vertus semblables, sont utiles 
pour le salut de celui qui les pratique; 
mais l 9 aumône, les enseignements et 
la charité, qui se communiquent au 
prochain, sont des vertus bien plus 
relevées. (Hom. 78, sur ces paroles : 
t 

(1)11 Tim. iv, 8, -(2) Sur le zèle. 

M 



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162 



CONCLUSION. 



Qui est le serviteur fidèle? S. Mattli. 
ch. xxrv, 45.) 

Il dit encore, dans un autre en- 
droit, qu 'une seule âme que nous au- 
rons gagnée à Jésus-Christ peut effa- 
cer en nous une infinité de péchés, et 
devenir le prix de la rédemption de 
notre âme. (Hom. 3g, au peuple 
d'Antioche.) 

Estimons-nous donc heureux de 
ce qu'après avoir embrassé une des 
religions les plus austères qui se 
trouvent dans l'Eglise de J.-C, nous 
ajoutons, ce que n'ont pas plusieurs 
d'entre elles, l'avantage précieux 
d'instruire les autres et de travailler 
au salut des âmes . 

Que le Seigneur Jésus-Christ soit 
avec votre esprit ! La grâce soit avec 
vous. Amen (1). 

Melun, le 12 février 178». 

F. Agathok. t 

(1) II Tim. it, 21 . 

FIN. 



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TABLE DES MATIÈRES. 



Page*. 

Adresse à exécuter ses projets, 40 

Ambition exclue par rhumililé, 26 
Amitié des écoliers pour leur Maître, 8 
Moyens de là gagner, 7 1 
Autorite ; ses effets, ~8fr 
Ce que c'est, ce qui la donne et ce 
qui la conserve, ibid. 
Inconvénients lorsqu'elle agit seule, 

101 



wm 



Avertissements : quand il faut les employer, 102 
Comment il faut les faire, ibicT. 

Babil du Maître; ses suites, 14 

Bienfaisance, 153 

Causticité, doit être évitée, 116 

Charitable (la correction doit être), 108 
Charité, inspirée par 1 humilité. 30 
Châtiments/ M 
Circonspection; elle fait considérer et ex.v 

miner tout, 42 

Cœur; manière de le former, 76 

Colère qui est vertu, 418 

Colère vicieuse, 119 
Conliance des écoliers pour leur Maître, 17 
Usage qu'il peut en faire. ibid. 
Confusion que l'humilité fait supporter, 30 
Constance qui vient de la fermeté. 80 
Convenable (la correction doit être), 1 09 

Correction; conditions qu'elle doit avoir, 

400 et suiv. 

Nécessité des corrections, 114 
Comment doit-on les faire? 1 1 1 



xJby 



164 TABLE DES MATIÈRES. 

Pape*. 

Moyens de les prévenir, 95 et 105 

Courage dans les désagréments de rensei- 
gnement, 29 et 85 

Celui qu'inspire la fermeté, 8l> 
Crainte ; celle qu il faut inspirer aux enfants, 83 

Défauts opposés à la gravité, 10 et 1 1 

Au silence, jB 



A l'humilité, 


30 


A la prudence, 


* 44 


A la sagesse, 


5TÏ 


A la patience, 


fi! 


A la retenue. 


m 



A la fermeté, 91 et <M 

A la douceur, 116 et 117 

A la vigilance, 138 et 1 39 

A la piété, 148 
A la générosité, i36 

Défiance de ses lumières, 27 

Désintéressement, f^oyez .Générosité, 151 
Discernement; usage "qu'il faut en faire, 97 
Docilité aux consens d autrui, 40 

Douceur, 07 

Combien il y en a de sortes, 68 
Elles doivent être sincères pour être 

véritables. 69 

Excellence de la douceur, 70 

Son caractère, . TH> 
Dureté ; comment on s'en rend coupable, 79 
Ses mauvais effets, 80 

Egalité d'âme et comment l'acquérir, 10 
Eglise; quelle vigilance il faut y avoir, 133 
Esprit ; manière de le former. 77 
Estime et respect des écoliers pour leur 



TABLE DES MATIÈRES. 



Maître ; leur nécessité, 
Comment se les procurer, 



71 



Exemple; un Maître doit donner bon 

exemple, 120 et 147 

Exercices de piété; comment doivent-ils 

se faire? 148 
Expérience; quel usage il faut en faire, iM 

Familiarité avec les écoliers; ses suites, Q i 

Fautes des écoliers; comment les pré- 
venir, 1Û5 

Fermeté; en quoi elle consiste; elle est 
nécessaire, 83 et 84 

Quand il faut en user, 8fi 
Avantages de son alliage avec la dou- 
ceur, 83 

Faiblesse; en quoi un Maître s'en rend 
coupable, 

Fonctions de la prudence, 34 
Force qu'exige la fermeté, 85 

Généreux : qu'est-ce qui rend un Itfaîtrc 

généreux ? 1 55 

Générosité, 149 

Sublimité de cette vertu, ibid. 

Pratique de cette vertu, 150 
G loire de Dieu; comment on laprocure,120 et 122 
Grandeur d'àme, 15H 
Gravité ; én quoi elle consiste, ï 

Ne doit point être portée trop loin, 111 

Ses fruits, ibid. 

Homme (I'); sou état depuis le péché 

d'Adam, 22 
Humanité. 154 



166 TABLE DES MATIÈRES. 

Page t. 

Humilité, 2il 

Sa nécessité, ibid. 

Ses caractères, 21 

Intelligence ; objet de son application 3fi 
Instruction : préparation qui est néces- 
saire, 46. 31 "et 3» 

Comment il faut s'instruire, i9 

De quoi il faut instruire, 141 

Jalousie ; l'humilité en préserve, 2fi 

Jugement ; manière de le former, 1£ 

Juste (la correction doit être), 1Û8 

Libéralité, 155 

Maître; honneur et éminence de ses fonc- 
tions, 23,121, lil et 160 

Maître ; ses soins et ses travaux, 125 

Aime à communiquer sa science, 2£ 

Quand il manque de zèle, 128 

Défauts qu'il doit surtout éviter, 2fi 

Maximes placées à propos, liî 

Mémoire ; usage qu'il faut en faire, 35 

Menaces ; ce qu'il faut y observer, liîi 

Modérée (la correction doit être), 110 

Modestie du Maître chrétien, 23 

Mollesse; ce qui la fait connaître, ï 

Paisible (la correction doit être), llil 

Parler; quand il faut parler, 16 

Comment il faut le faire, 11 
Qu'est-ce que parler avec autorité ? 35 

Patience, ♦ 5û 

Sa nécessité, 51 

Ses elTets, ibid. 

Sa pratique et ses avantages, 58 



TABLE DES MATIÈRES. 167 

Page*. 

Pauvres; aimer à les instruire, 28 

Pénitences; leur diversité, 97 
Celles qu'il faut préférer, 98 et 99 

11 faut les varier, 100 
Choisir le temps qui y convient, ibid. 
Doivent être proportionnées aux fautes, 97 
Inconvénients de les rendre trop fré- 
quentes, ' 1 00 
Considérations qu'elles exigent, ibid. 
Moyens de les rendre rares, 101 
Perfection ; soin que le Maître doit avoir 

de la sienne. 123 
Piété, . 140 

Sa nécessité, et même elle doit être 
éminente, ibid. 
Politesse, 75 
Précaution ; elle prévient les inconvé- 
nients, 43 

Prévoyance; ce que cfot, 41 

Procédés louables de l'humilité, 29 

Prudence ; ce que c'est, 32 

Combien elle est excellente, 33 

Sa nécessité, 44 

Elle règle le jugement, 34 
Modilie les autres vertus, 4£ 
Prudence de la chair, 45 
Prudente (la correction doit être), 110 
Punition; quand est-ce seulement qirti 

fau i P unir ^ 100 
En quelles dispositions, iffi TT 

Pure (la correction doit être), 107 
Raisonnement (le) fait éviter les méprises, 41 



1(18 TABLE DES MAT1ÈUFS. 

Réprimandes; comment doit- on s'y com- 
porter? 103 

En quel cas il faut en user, ihid . 

Résignation dans le défaut de succès. 25 
Respectueuse (la correction doit êlre), 113 
Retenue ; en quoi elle consiste, 62 

Son effet, 65 et 66 

Sagesse; en quoi elle consiste, 45 et 48 

Ses effets, Si 

Sagesse fausse, 54 

. Sentiments (élévation de), ~t0 
Signes ; leur fin et leurs avantages, 15 
Silence ; sa définition, 1 3 



Ses avantages, ^ 13 ettt 

Silencieuse (la correction doit être), 114 
Société (défauts contre les devoirs de la), 75 

Vaine gloire exclue par l'humilité, 25 

Vertus d'un bon Maître, 4 



Volontaire; la correction doit être accep - 
tée volontairement, 113 



Zèle, J20 

Son excellence, 

Son caractère/ ^ijx 
H doit être prudent et éclairé, Î26 
Charitable et courageux, 127 
(Manque de), 12 8 

Zèle faux et illusoire, 129 

« 

■ 

■ 

FI* DE LA TABLE. 



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